Ce petit diamant brut de Saint-Estèphe a été repris par la famille Cardon en 2012. Chris Cardon, industriel pharmaceutique, gère le domaine avec son beau-fils Lloyd Lippens. Hectare après hectare, la famille s’est constituée un vignoble de 30 hectares. La Haye n’est pourtant pas tout jeune. La vocation viticole du château est apparue en 1556 et la demeure a même abrité les amours d’Henri II et Diane de Poitiers, laissant comme traces de ce passage royal deux lettres entrelacées, H et D dans la pierre du château et sur les étiquettes.
Les différentes facettes de La Haye avaient néanmoins besoin d’être taillées. Les vignes du domaine ont entre 30 et 40 ans. Château La Haye est certifié Haute Valeur Environnementale niveau 3. Pour un plus grand respect des baies, les vendanges sont faites en petites cagettes. Les raisins sont égrappés et, depuis ce millésime, la famille a investi dans un égreneur, signe qu’un travail vers le raffinement est en marche. La vinification, opérée avec l’aide de l’œnologue Eric Boissenot, se fait en petites cuves qui permettent un travail parcellaire. Classé Cru Bourgeois et lauréat avec le 2013 et le 2014, la famille vise le classement en Cru Bourgeois exceptionnel.
Alors qu’auparavant, le vin passait en 100 % de bois neuf, la famille préfère désormais laisser son vin vieillir en un tiers de barriques neuves, un tiers d’un vin et un tiers de deux vins, toujours en chêne français. La Haye profite en moyenne de 12 mois d’élevage. Le Château produit entre 50 et 60 000 bouteilles par an. Le prix moyen de la bouteille vendue à la propriété est de 27 EUR TTC, un bon rapport pour les amateurs. Le château produit également une deuxième étiquette issue des plus jeunes vignes, Le Cèdre de La Haye (40 000 bouteilles) et une micro cuvée de 3 à 4000 bouteilles, uniquement dans les meilleurs millésimes, Majesté de La Haye. Cependant, dans un souhait d’amélioration de La Haye, la famille envisage d’intégrer cette sélection dans le grand vin.
Le deuxième bijou de la famille se trouve dans l’appellation Pauillac. Château Bellevue – au nom duquel a été accolé celui de Cardon pour marquer son entrée dans le giron familial mais aussi sa renaissance – est un domaine qui avait perdu ses vignes suite au gel de 1956. Des 12 hectares d’origine, la famille a récupéré 2.5 hectares, au nez et à la barbe d’illustres voisins. Actuellement, 0.6 hectares sont en production avec des vieilles vignes âgée de 60 ans. Le reste est aujourd’hui en cours de replantation.
En octobre dernier, le jeune Lloyd Lippens a souhaité soumettre son travail au palais expert de l’éminent sommelier chinois Nelson Chow, président des sommeliers de Hong Kong et de Chine. En dégustant successivement le 2014, 2015 et le 2016 de Château La Haye, Nelson Chow a pu noter l’apparente évolution dans le travail de la famille. Tous dévoilent de beaux arômes de fruits et d’épices, mais les vins ont gagné en structure d’année en année. La Haye est en train de se démarquer par un style propre et la dégustation avec l’expert chinois a confirmé que le petit diamant brut trouvait peu à peu son éclat.
Aujourd’hui, des analyses des sols sont encore en cours afin de définir précisément les terroirs. L’histoire suit son cours, réécrite dans la tradition médocaine mais avec un petit accent d’ailleurs, promettant un bel avenir à ce petit bijou de Saint-Estèphe.
Sylvia van der Velden