Jean-Claude Beton, fondateur d’Orangina, a fait de la célèbre boisson à la pulpe d’orange un succès planétaire. Mais c’est dans la vigne et non dans une orangeraie qu’il choisit d’enraciner sa famille. Pour assouvir sa passion de grands vins de Bordeaux, il acquiert en 1988 le Château Grand Ormeau, appellation Lalande-de-Pomerol, et rénove les murs et l’outil de production pendant vingt ans. En 2008 il transmet ce bijou à sa fille Françoise pour qu’ellele hisse sur les tables des grands de ce monde!
Une figure du XXème siècle, un grand capitaine d’industrie, tel est le souvenir que l’on garde de Jean-Claude Beton! Né à Alger, élevé dans la plaine de la Mitidja, cet ingénieur agricole pressent, dès 1939, le potentiel de cette boisson à la pulpe d’orange. Il lance la marque Orangina à Marseille dans les années 50, et en 1975 elle représente 500 millions de cols dans le monde. Ce développement exponentiel est induit par un visionnaire. En 1980, Jean-Claude cède Orangina à Pernod Ricard, reste président d’honneur de la marque et administrateur du groupe. Avec l’acquisition, en 1988, de Château Grand Ormeau, propriété viticole en bordelais, il donne corps à son autre passion.
Situé à cinq cent mètres de Petrus et de Cheval Blanc, sur la rive droite de la Dordogne, en partie haute de l’appellation Lalande-de- Pomerol, le Château Grand Ormeau peut se prévaloir d’un climat atlantique ensoleillé et humide propice à la production de grands vins. Le vignoble s’étend sur 14 ha. Le terroir est composé d’une nappe de graves à dominante de silex comparable à celui de Pomerol et d’un sous-sol argileux riche en oxydes de fer (graves rouges), favorisant un drainage naturel du sol et des réserves d’eau. L’encépagement est majoritairement du Merlot (64 %), avec du Cabernet Franc et du Cabernet Sauvignon (18 % respectivement). Côté sol, ce Château offre beaucoup d’atouts. Côté installations en revanche, pendant vingt ans, Jean-Claude a remis l’outil de production en état, installé une cuverie inox gravitaire, un magnifique chai, une cave, et restauré le Château.
En 1988, il passe le flambeau à sa fille Françoise, «seule femme à avoir dès 1990 accédé à un poste de direction (de la communication) chez Pernod Ricard». Une battante, diplômée de l’ESC de Marseille, qui en d’autres temps a inventé la lambada pour accompagner la bouteille d’Orangina et le fameux slogan «Secouez-moi, secouez-moi». Très respectueuse de son patrimoine, cette native balance, ascendant taureau, conseiller du commerce extérieur Provence-Corse, va mettre toute sa détermination à perpétuer et dynamiser la propriété de famille, avec convivialité, humilité et sourire.
«En 2008, quand j’ai repris le Château, Papa avait 82 ans et la trésorerie était au plus bas! J’ai dû frapper aux portes des banques pour la reconstituer et reconstruire un circuit clients. Je ne connaissais rien au vin, j’ai tout appris aux côtés du Maître de chai, André Feménia, et de notre conseil Michel Rolland. La propriété avait pour caractéristique de ne pas vendre au négoce. La production étant d’environ 70000 bouteilles l’an, j’ai dû faire les adresses une à une et de nombreuses dégustations pour susciter des ventes. Château Grand Ormeau est aujourd’hui à la carte d’établissements prestigieux, tels le Royal Monceau, Park Hyatt, l’hôtel Raphaël, de brasseries telles le Café de Paris, le Café de l’Alma, à la table de grands chefs tels Christian Constant ou Jean-François Piège (Thoumieux). Il est même servi à la table de l’Elysée…».
Trois cuvées font les beaux jours de cette propriété de famille. «Château Grand Ormeau» est vinifié en cuve inox trois semaines avant d’être élevé 13 mois en barrique où il subira la fermentation malolactique. Les millésimes 2009 et 2010 actuellement commercialisés sont séducteurs avec leur robe pourpre, soyeuse, leur nez puissant, leur bouche élégante, généreuse et gourmande, leur finale encore un peu retenue qui laisse présager une longue garde. Autre cuvée: «Madeleine 2010»* emprunte son prénom à la maman de Françoise, elle est le fruit de vignes plus âgées, est élaborée sous-bois de A à Z, seulement les grandes années. Elle exhale des arômes plus intenses et en bouche s’affirme sur les fruits noirs et la minéralité. Françoise se souvient que Jonathan Ferrando, chef sommelier du groupe Cyril Lignac, lui a servi le millésime 2001 avec un chevreuil de Sologne cuisiné au sel, assaisonné de citron kabozu et accompagné d’une fine purée de topinambours à la truffe noire, «cette alliance reste un des meilleurs souvenirs gastronomiques de ma vie», avoue-t-elle.
Enfin Château Grand Ormeau élabore un deuxième vin issu de jeunes vignes, surnommé «Chevalier d’Haurange»*, clin d’œil au sémillant patriarche qui rêvait de signer la terre…
* PVC respectivement 25 € - 35 € et 15 €.
Marie-Caroline Bourrellison