Si lorsque l'on parle de la région Champagne, Reims et Epernay sont les premières villes qui nous viennent à l'esprit, le département de l'Aube n'est pas en reste, notamment grâce à sa ville historique : Troyes, et à son vignoble situé dans « La Côte des Bar ».
Depuis la cathédrale de Troyes jusqu'aux églises rurales, le département de l'Aube réunit une collection de vitraux du XIIe siècle à nos jours uniques en Europe, répartis dans 350 édifices. C'est alors 9 000 m2 de verrières antérieures à la Révolution française et 2 048 baies protégées comme monuments historiques qui constituent ce que l'on appelle « La route du vitrail ».
Pour appréhender au mieux cet art ancestral, un arrêt à la Cité du vitrail, installée depuis un an dans l'aile Est de l'ancien Hôtel Dieu de la ville, s'impose. En ce lieu, sur un espace total de 3 000 m2, dont près de 1 000 m2 d'expositions permanentes et temporaires, le visiteur évolue au milieu d’œuvres originales à travers une approche immersive et pédagogique de l'art du vitrail, où le patrimoine vitré aubois est largement mis à l'honneur. Ici, les aspects techniques, historiques et iconographiques sont abordés dans une scénographie chaleureuse. A ne pas manquer au sein de la Cité, l'apothicairerie du XVIIIe siècle avec sa collection de boîtes et de faïences médicinales et la chapelle restaurée (XIXe) avec ses verrières monumentales. Une chapelle qui, en 2024, accueillera une exposition en partenariat avec la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Après cette découverte, direction le centre de la ville où vous pourrez observer in situ l’Église de La Madeleine (XIIe siècle), une des plus vieilles de Troyes, célèbre pour son jubé de pierre, véritable dentelle ciselée, ou encore la Cathédrale Saint-Pierre Saint-Paul (XIII-XVIIe), caractéristique du courant gothique, avec ses 114 mètres de long, 50 mètres de large et 28,5 mètres de hauteur. Dans cet édifice, qui renferme la Châsse de saint Bernard de Clairvaux, 1 500 m2 de verrière d'époque s'offrent à nos yeux éblouis.
Pour appréhender l'âme de la ville, n'hésitez pas également à faire une halte au marché des Halles, où les producteurs troyens vous feront découvrir ce qui se fait de mieux dans la région.
Dès 1911, les vignerons aubois sont menacés d'être expulsés de l'appellation Champagne. Une révolte se met en marche, permettant aux vignerons de la Côte des Bar, après des années de lutte, d'obtenir l'appellation en 1927. Aujourd'hui, l'Aube est le 2e producteur de champagne après la Marne. En effet, ses 7 132 ha de vignes, constituées principalement de chardonnay, pinot noir, pinot meunier, arbane, petit meslier, pinot blanc, pinot gris et voltis, représentent 22 % de l'appellation. Une appellation qui, en 2023, a fêté les 70 ans de la Route du Champagne, circuit touristique balisé de 220 km sur la très vallonnée Côte des Bar, avec une trentaine de villages qui ont façonné le patrimoine de l'Aube, pays du pinot noir (96 % des plantations). A noter d'ailleurs dans vos agenda l'événement « Route du Champagne en fête » qui aura lieu les 20 et 21 juillet.
Alors que les vins de la Côte des Bar sont de plus en plus prisés, en démontre l'attrait des sommeliers lors des dégustations organisées par SommelierS International, ceux du terroir de Montgueux sont encore méconnus. Implantées à une dizaine de kilomètres de Troyes, perchées sur une colline de 268 mètres, ses 215 hectares de vignes, principalement plantées en chardonnay, sont surnommées « le Montrachet de la Champagne ». A Montgueux, les sous-sols sont constitués de craie vieille de 90 millions d'années et de silex. Un sol qui procure un caractère spécial au chardonnay, iodé et salin. De nos jours, ce sont 430 000 bouteilles qui y sont produites par an, par 19 marques de Champagne. A l'image du Champagne Hélène Beaugrand, vignoble de 3 hectares depuis 2018, 95 % chardonnay, puis pinot noir et pinot meunier. Exposé sud, en grande majorité enherbé et certifié HVE, Hélène y crée ses vins à l'instinct (0-3 grammes maximum), avec des vendanges manuelles, en fonction du goût des raisins. Cette femme de caractère, qui fait aussi partie des Fa'Bulleuses (collectif de femmes vigneronnes de la Champagne), nous fait découvrir ses vins qui, comme elle, ne font pas de compromis.
Le Grand Carré Blanc de Blancs non dosé Brut Nature, frais et croquant ; Le Grand Carré Blanc de Blancs Extra Brut ; au beau fruité, Derrière la Cabane Blanc de Blancs, champagne de gastronomie dosé à 3 grammes ; Particules Élémentaires, dosé à 3 grammes, 50 % chardonnay, 50 % pinot noir ; ou encore le Rosé Henriette 100 % pinot meunier, parfait sur du gras, du jambon ibérique. Des vins à la personnalité unique et étonnante.
Si la Côte des Bar est reconnue pour ses champagnes, il est à noter qu'ici tous les goûts sont permis. Nous le découvrons lors de notre visite au Cellier Saint-Pierre, à Troyes, maison du XVIe siècle, autrefois liée à la Cathédrale Saint-Pierre par un tunnel. Sur place, nous découvrons la dernière distillerie de la Prunelle de Troyes, appelée prunelle de Champagne jusqu'en 1995. Depuis sa création en 1840, la Prunelle de Troyes est élaborée artisanalement, selon la même recette, dans des alambics d'époque. Cette liqueur a même obtenu la médaille d'or à l'exposition universelle de Paris en 1900. Le principe d'élaboration est simple : les noyaux de prunelles, achetés à des confituriers, sont broyés et mis en macération dans l'alcool. L'alcool obtenu est marié avec un sirop de sucre et autres ingrédients naturels qui lui donnent sa complexité et son goût unique. Une double distillation est ensuite effectuée dans un alambic en cuivre qui conserve le meilleur de la prunelle, tout en supprimant les impuretés. 100 grammes de noyaux sont nécessaires à la création d'une bouteille ! Avec son nez sur l'amande, le raisin de Corinthe, une pointe d'épices douces et sa bouche sur l'amande amère et l'amande, cet alcool à 40 degrés se déguste parfaitement sur un éclair au café. Un nectar qui reste cependant confidentiel, avec ses 15 000 bouteilles produites par an, uniquement pour la ville de Troyes et quelques caves du département.
Outre la cave et la distillerie, le Cellier Saint-Pierre propose des cours d’œnologie et des dégustations de nectars aubois. Nous appréhendons ainsi le travail sur le pinot noir à travers trois cuvées bien différentes. Tout d'abord, le champagne Cuvée Cœur des Bar Blanc de Noirs 100 % pinot noir, avec une belle effervescence, des notes fruitées et miellées. S'en suit la dégustation du vin tranquille Rosé des Riceys 2020 Morize (macération 3 jours), un nez complexe, sur les petits fruits rouges, les épices. La bouche se révèle sur les fruits mûrs rouges, la fraîcheur. Un vin qui peut vieillir, à déguster sur un apéritif ou une viande blanche. Enfin Louise Brison En Val des Saults 2020 Coteaux Champenois. Les coteaux champenois bénéficient de vendanges plus tardives, avec une macération plus longue (environ 10-15 jours). Le nez dévoile des fruits noirs bien mûrs, la bouche s'ouvre sur la cerise bigarreau bien mûre, la griotte, un beau gras. Parfait sur un tournedos, peut se garder jusqu'à 10 ans.
Au Domaine de Mondeville, Champagne R. Dumont & Fils, vous pourrez appréhender une autre facette du vignoble aubois, à travers une offre oenotouristique variée.
Niché dans le village de Champignol-Lez-Mondeville, le domaine cultive ses vignes dans la partie centrale de la Côte des Bar, principalement en pinot noir, mais aussi en chardonnay, pinot blanc, pinot gris et petit meslier. En agriculture biologique et biodynamique, le domaine propose des vins natures et sans soufre ajouté, distribués à 70 % à l'étranger.
Grâce à son entité touristique, L'Empreinte des Fées, le domaine propose la découverte du vignoble à pied ou en trottinette électrique tout terrain. Encore plus original ? Partez en camionnette orange vif avec Delphine et son adorable chien Pino, pour une matinée à la recherche de truffes d'automne dans la forêt, de mi-octobre à mi-décembre. Sourires et bonne humeur garantis. Pour notre part, ravis de l'expérience, nous finissons la matinée par une dégustation du Champagne R. Dumont & Fils Cuvée 369 M, 90 % pinot noir, 10 % chardonnay, vin très droit, précis et fruité, en parfait accord avec des toasts au beurre truffé.
L'Aube regorge d'expériences où se mélangent le bien-être et l'éveil des sens. Localisée au cœur de la ville de Troyes, la Maison M, belle maison d’hôtes du XIXe siècle, propose 5 chambres de charme, pour un séjour sous le signe de la détente, de la découverte et de la décontraction. Après deux années de travaux, cette grande demeure bourgeoise, qui a été construite et habitée par l’historien Albert Babeau, est aujourd’hui entièrement restaurée et offre un décor moderne et authentique, tout en gardant son âme et son caractère historique.
Un peu plus loin, en plein cœur de la Côte des Bar, à Bar-sur-Aube, Qualisterra révèle des chambres d'hôtes haut de gamme où vous pourrez allier repos et découverte de la vie de vigneron. Car, si cette maison du XVIe siècle, composée de 5 chambres, dont une suite familiale et une grande suite, était appelée autrefois Le Petit Louvre, elle se présente également comme un domaine viticole bio-inspirant. Une philosophie que l'on retrouve dans le nom même du domaine « Qualis », terre ; « Terra », qualité. S'il est à l'heure actuelle partenaire pour commercialiser le champagne Devaux, Qualisterra sortira au printemps sa propre étiquette. A suivre donc !
Si le bien recevoir est important, le bien manger l'est tout autant. Nous le confirmons une nouvelle fois lors d'un déjeuner au Garde-Champêtre, Étoile Verte à Gyé-sur-Seine, inspiré du travail historique d'un garde champêtre, protecteur du milieu rural, M. Droze. Alimentés par sa ferme bio de 1 hectare, les repas y sont préparés avec des ingrédients frais, à la minute. Des plafonds de 7 mètres de haut, des baies vitrées géantes, la cuisine et la cheminée ouverte sur la salle, créent une expérience culinaire chaleureuse. Avec une tartelette au chou-fleur, noisettes, condiments de moules, puis un velouté de courges, huile de graines de courges, huile infusée au café et noix de cajou, l'entrée en matière se révèle déjà exceptionnelle, avec une mention spéciale pour le pain au levain cuit sur du foin. Le spectacle continue sur du chevreuil fumé au foin, légumes rôtis, sauce poivrade et se termine sur une remarquable crêpe accompagnée de pomme, glace vanille, caramel beurre salé, kinako, crumble à la cardamome et chantilly à la verveine. Un régal pour le ventre... et les yeux !
Pour encore plus de gourmandise, je vous invite à vous rendre au Moulin de la Lauchère à Éguilly-sous-Bois, à la rencontrer d'Alexandre Gyé-Jacquot MOF chocolatier-confiseur 1996, vice-champion du monde des métiers du dessert, et de son épouse Christine. Ces derniers vous accueilleront dans leurs charmantes chambres d'hôtes, situées entre rivière, bois et verdure... En plus de profiter de ce véritable havre de paix, Alexandre, qui a passé 35 ans chez le chocolatier renommé Pascal Caffet, vous dévoilera son savoir-faire lors de cours de pâtisserie et chocolaterie. Une pédagogie qui nous permet de ressortir de l'atelier plein de connaissances et de contentement. Une simplicité et une volonté de partager que j'ai découvert tout au long de mon voyage au pays aubois.
Au fil du temps, l'Aube a pris de plus en plus d'ampleur dans le terroir champenois. Culture, gastronomie, vignoble, chacun a su se démarquer et faire du département un endroit riche en découvertes et en anecdotes, pour les touristes français et étrangers. Après tout, ne dit-on pas qu'en 1878 deux apprentis japonais viennent s'initier à la culture de la vigne au célèbre Clos Sainte-Sophie, à Montgueux, d'où ils rapportent des plants de chardonnays qu'ils feront fructifier au pied du Mont Fuji, aujourd'hui à l'origine du principal vignoble japonais. Comme les japonnais, nous repartons tous avec un peu d'Aube dans le cœur.
Sandy Bénard-Ravoisier
SommelierS International tient à remercier l'agence aiRPur et ADT Aube pour leur accueil.