Le froid, le gel, la pluie, la sécheresse et le soleil imposant ne devaient en aucun cas dicter leur loi délétère et définir ce millésime. 2022 allait une fois de plus révéler une vigne et un vigneron puissamment résilients. Il a fallu s’adapter et imaginer des méthodes culturales d’autres latitudes. Le millésime est hétérogène et, aujourd’hui plus qu’hier, tributaire des types de sols, mais également de conduites culturales, de l’adoption de couverts végétaux, de la taille douce et tardive, du tressage plutôt que du rognage… On s’entendra pour dire que souvent le millésime fit briller les vignerons possédant un bon sens paysan, les faiseurs sérieusement épris de leur vigne et, in fine, on y revient incessamment, les grands terroirs.
On remarque qu’en 2022, en dépit de toute prévision, la masse tannique a apporté de la fraîcheur, que les peaux épaisses des raisins ont souvent protégée du soleil cuisant. Si selon le consultant Stéphane Derenoncourt « il a résulté de cet été caniculaire un état des lieux tranché » il est sûr en revanche que nous avons à faire à des vins plus lumineux que solaires, des vins, toujours selon le consultant, alliant finesse et force, complexité et profondeur. Un grand millésime ? Peut-être. Hors norme sûrement avec des raisins rouges riches en tannins, anthocyanes et arômes. En rouge, il ne fallait pas bousculer, ni sur-extraire les jus. Les blancs s’annoncent assez hétérogènes mais globalement plutôt puissants et énergiques. On se persuadera cette année encore que ni les élevages, ni les extractions n’auront constitué des réponses totalement adéquates à ce millésime marqué par la sécheresse.
Ici comme ailleurs, il a fallu pour réussir ce millésime s’adapter à des conditions parfois méditerranéennes. Les gestions du sol et du végétal furent primordiales en limitant la compaction des sols, d’un côté, et en protégeant les raisins du soleil d’un autre côté. On note des vendanges très précoces, deuxième quinzaine d’août pour les blancs et tout début septembre pour les merlots et entre le 20 septembre et début octobre pour les cabernets.
Château Jean Faux est soyeux avec une acidité parfaite et une belle finale, prolongée par des notes réglissées et salines. Nous retiendrons encore Château Lamothe-Vincent, suivi par Oenoconseil, et son nez classieux de feuille sèche, de sous-bois et sa matière ample. En blanc, Château La Peyruche constitue une véritable réussite. Le jus possède un joli gras et des notes scintillantes de citron mûr. Château Lestage, blanc du Médoc, avance sur des notes exotiques. La bouche est charnue autour de notes de poire et la finale est saline.
Un millésime marqué par de légères gelées printanières, un printemps doux sans mildiou, une belle floraison optimum et un été particulièrement chaud et sec à peine contrarié par les orages de fin août. Les blancs sont vendangés dès le 19 août. Si les quantités sont petites, l’acidité est bien présente. Lorsqu’il n’y a pas eu de blocage de maturité sur les jeunes vignes ou les vignes sur sols sans réserve hydrique les vins rouges s’avèrent colorés, concentrés et assez frais. Les blancs se révèlent comme sur l’ensemble du territoire puissants aromatiquement et plein d’une jolie acidité.
Château Haut-Selve, en rouge, tire son épingle du jeu avec une extraction qui flirte gentiment avec les limites, mais maintient le vin dans un univers assez floral et tendu. La violette et la réglisse dominent en bouche. Château Cérons, en rouge, convoque des éléments floraux et la bouche s’avère fringante et fraîche. Château Cazebonne, en rouge, intrigue par son côté plutôt iconoclaste et buvable. On aime son jus sapide et immédiat. En blanc Jean-Baptiste Duquesne du Château Cazebonne présente un vin d’une joyeuse densité, épicé, terriblement frais et porté par son terroir et de jolis sémillons. Un véritable coup de cœur pour ce pirate du sud des Graves. Dans un registre plus classique, on s’arrêtera sur le jus vif et floral du Château Magneau. Un blanc juste et précis.
« Un millésime tout en surprise. Des degrés qui restent contenus, des tannins qui nous surprennent par leur côté fondu, déjà séduisant, des vins qui pourront se boire jeune sans nuire à leur potentiel de garde. Un millésime qui rassure sur les atouts de Bordeaux pour répondre au réchauffement climatique. La vigne résiste pour finir assez bien aux chaleurs caniculaires, sous réserve qu’elle ait un peu d’eau. Après les pluies de fin juin, on a longtemps attendu les orages estivaux, mais ils ont fini par arriver avant la vendange des blancs puis fin septembre pour finir la maturité des rouges. Ce millésime nous confirme par ailleurs que Bordeaux dispose dans ses cépages anciens ou moins anciens de très belles opportunités : un mancin soyeux, un bouchalès tendu sur le fruit, un petit verdot magistral, une carmenere démonstrative. Ils sauront compléter à merveille l’assemblage avec le cabernet sauvignon ». Jean-Baptiste Duquesne du Château Cazebonne
Gel et sécheresse ont laissé des traces et impacté les rendements. Une réduction essentiellement liée au poids des baies largement marqué par le stress hydrique. En blanc, les vendanges ont commencé tôt avec des raisins présentant de bonnes maturités, de beaux équilibres sucre-acidité. Les PH et les degrés en dépit d’un millésime solaire – un été jusqu’à 4° au-dessus des normales de saison - seront restés modestes pour donner des vins frais et équilibrés.
En blanc, le Château Couhins, Cru Classé de Graves, dénote toujours un peu avec des arômes de fruits mûrs et une acidité bienvenue. Château Luchey-Halde constitue une véritable réussite de l’AOC avec ses notes d’eucalyptus, de fleur blanche et d’agrume. Un profil qui rompt avec la doxa. On retiendra en rouge l’admirable Château Couhins, Cru Classé de Graves, croquant et savoureux, au milieu de bouche conquérant et charnu. Le grain est soyeux. Château Bardins convoque des fragrances de rose au nez et présente beaucoup de fraîcheur en bouche. La trame est cintrée, un peu serrée, mais d’une jolie profondeur. Clos Marsalette présente une matière élégante, effilée qui ne manque pas de suavité.
La véraison a débuté très tôt sur les terroirs précoces et les températures d’août ont accéléré la maturité des baies, amplifié ici aussi les phénomènes de concentrations. Globalement, on retiendra que 2022 est d’une grande précocité. Une fois de plus, la clé de vinifications fût l’extraction, qu’il a fallu gérer finement pour éviter les tanins. Si le 2022 est un millésime chaleureux, il possède un bon équilibre acide. Les jus profonds ont des structures tanniques soyeuses, des acidités intéressantes. Ici plus qu’ailleurs, les élevages seront importants pour éviter les masses tanniques.
Château de Malleret, Cru Bourgeois Exceptionnel en Haut-Médoc, possède une bouche crémeuse, ronde et déjà étonnamment charmeuse. Château Cantemerle, Grand Cru Classé du Haut-Médoc, présente un jus plus fluide et frais autour de notes suggérant la framboise. La finale réglissée est magnifique.
Une mention spéciale au Château Rauzan-Ségla, Grand Cru Classé, qui affiche un vin dynamique et juteux, arborant des notes de fruits frais écrasés. Les équilibres sont déjà immenses. Château Brane-Cantenac possède un jus flatteur au boisé fin et léger. Une classe à part.
Château La Fleur Peyrabon, Cru Bourgeois, invite à nous régaler d’un jus frais et précis. Les tannins d’abord serrés s’estompent un peu pour donner à croquer dans le jus séveux. L’autre grande réussite est à trouver du côté du Château Grand Puy Ducasse, Grand Cru Classé. Le vin possède ici un jus d’une profondeur saisissante. Les tannins sont puissants mais d’une grande finesse. Une composition, en tout point, remarquable.
«2022 est un millésime chaleureux mais non dénué d’un bon équilibre acide, pour lequel la maitrise des extractions est un enjeu capital. Les choix d’élevage seront les grands alliés pour dompter au mieux ce fort potentiel, ils seront primordiaux pour ne pas avoir de masses tanniques trop importante. 2022 est indéniablement un très grand millésime, taillé pour la garde ». Laboratoire Oenoconseil Pauillac
La trame tannique du Château Meyney n’occulte pas la présence de fruits denses, entre le sureau et la cerise. C’est très élégant. On retiendra le Château Lestage Darquier Grand Poujeaux, Moulis-en-Médoc, avec sa bouche gracile et déjà ronde. Une belle réussite, à suivre.
Sur ce millésime chaud et sec, le pouvoir tampon des argiles a révélé tout son intérêt avec une libération progressive de l’eau contenu dans les sols. Les chaleurs de juillet ont ralenti la véraison. Les fortes chaleurs d’août, pendant la maturation, ont favorisé la dégradation des acides et la concentration des polyphénols. Les vignes se sont montré résilientes grâce aux couverts végétaux. Dans la mesure où le vigneron avait une bonne observation agronomique et recherchée des équilibres gustatifs, ce millésime chaud confirme qu’il sera un grand millésime de Bordeaux.
Château Larcis-Ducasse, 1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion, est une indéniable réussite. Le jus concentré et crémeux convoque menthol et pivoine. C’est, en dépit de la matière dense, très aérien. Château Fonroque, Grand Cru Classé de Saint-Emilion, reste le grand représentant de la biodynamie de l’AOC. Le jus est pulpeux, acidulé. La finale florale et épicée est immense. La qualité des tannins, le jus précis et frais du Château La Grâce Dieu des Prieurs, Saint-Emilion Grand Cru, en font une vraie réussite. Château Monlot, Saint-Emilion Grand Cru, séduit par son grain et sa grande homogénéité. A suivre.
Château Croix de Labrie, Saint-Emilion Grand Cru Classé : un grand et beau vin, doté d’une belle palette aromatique, d’une bouche juteuse soutenue par des tannins souples et subtils.
Domaine Simon Blanchard Au Champ de la Fenêtre est un vin juteux et étonnamment crayeux. Une rare pépite et parfaite expression d’un cabernet franc à maturité. Dans un registre plus classique, le Vieux Château Palon, sort parfaitement son épingle du jeu autour d’une élégante trame tannique et des notes d’élevage finalement assez élégante.
Le Château Mazeyres est l’une des très grandes réussites de l’AOC. Le fruit est explosif, charnu et étiré. La bouche est étincelante autour de notes d’orange et de rose. Le Château La Commanderie est un vin stupéfiant de fraîcheur printanière. La trame joliment granuleuse s’enroule autour de fruits frais et de notes évoquant la rose. Château Saint-Pierre, de sols argilo-sablonneux, marque les esprits avec une bouche croquante et finement réglissée à l’assise tannique parfaite.
Au risque de nous répéter d’une année sur l’autre, nous retiendrons le Domaine de l’A, porté par une trame tannique délicate et une matière charnue, ample. Pour finir très soyeux. Le Château Claud Bellevue convoque un jus croquant et frais. Une expression lumineuse de l’AOC.
Le Château La Dauphine, Fronsac, révèle de jolies notes florales au nez, dont la violette. Les tannins sont fins et d’une patine particulièrement élégante. Un joli vin. Château Marsau, en Francs, élabore un merlot tout à fait large et suave. Une fois les tannins assagis, nous aurons là un beau représentant de l’AOC. Nous décernerons un coup de cœur à l’autre représentant de l’AOC, le Château Puygueraud, floral et d’une parfaite maturité et rondeur.
Un millésime qui devrait faire oublier 2021 dont les volumes auront été ridiculement bas. 2022 s’invite indéniablement à la table des grands millésimes de ces dix dernières années. Le botrytis est d'une très grande qualité.
On jettera notre dévolu sur Raymon-Lafon avec son superbe nez rôti et ses fragrances de pain d’épice. La bouche est miellée et d’un volume étonnant. Château Guiraud se révèle très abouti avec de délicieuses notes confites. Le jus est suave, crémeux et d’une justesse incroyable.
Château La Fleur de Pins avec 90 % de sémillon et 10 % de sauvignon blanc exprime des arômes voluptueux de fruits estivaux. On retrouve en bouche la pêche blanche et l’abricot. Élégant et frais de bout en bout. Une vraie réussite de la confidentielle AOC.
Henry Clemens
La dynamique Alliance des Récoltants présentait dans les chais du Château Barre Gentillot les cuvées de plus de 30 vignerons-récoltants. L'occasion unique de rencontrer et de déguster les vins de l'ensemble des AOC bordelaises.