Le nouveau chai du Champagne A.J. Demière est situé à l’entrée du village de Fleury la Rivière, au sommet d’un promontoire naturel. L’espace de dégustation, magnifique pièce aux larges baies vitrées, bâtie au-dessus du chai, offre une vue imprenable sur ces coteaux ; un panorama époustouflant, qui va du sud-est au nord-ouest et que le soleil baigne à tout moment de la journée.
Le Champagne A.J. Demière est dirigé par un jeune couple, Audrey et Jérôme Niziolek. Tous deux sont des enfants de vignerons. Ils ont repris le domaine des parents d’Audrey, voici une quinzaine d’années. Les parents se prénommaient Arlette et Jacques. Une aubaine. Il n’a même pas été nécessaire de changer les initiales de la marque. Vignerons indépendants, Audrey et Jérôme ont une clientèle fidèle, qu’ils rencontrent régulièrement au domaine, ou sur les salons. Mais globalisation oblige, l’heure est à l’export et aux nouveaux marchés.
La moitié du domaine d’Audrey et Jérôme est plantée en Pinot Meunier, cépage que Jérôme apprécie particulièrement pour sa capacité à vieillir et qu’il vinifie parfois seul. Cela lui vaut déjà un certain renom, alors qu’il n’a pas quarante ans. Sa cuvée fétiche s’appelle « Egrég’Or ». C’est un 100 % Pinot Meunier, issu de vieilles vignes et élaboré avec le millésime 2010. « Egrégor est un mot d’origine latine qui évoque une forme d’excellence, de perfection », explique Jérôme, « c’est ce que j’ai voulu réalisé. J’ai aussi joué sur la couleur or de la robe, en ajoutant une apostrophe au milieu du mot. » La robe est de fait d’un or soutenu, la mousse délicate, le nez aromatique, et la bouche à la fois onctueuse et charnue. La cuvée a déjà reçue plusieurs médailles. D’or bien sûr !
Au milieu de la cuverie trônent deux pressoirs verticaux Coquard de 4 000 kg chaque. Cela fait partie d’une tradition que Jérôme respecte. « En plus de ne pas triturer les raisins, comme peut le faire un pressoir pneumatique, le jus est comme naturellement filtré par les baies, quand il sort il est déjà très clair », précise-t-il. Jérôme travaille uniquement avec des cuves inox. Les foudres sont réservés au vieillissement de vins clairs. Vieillissement est justement un mot clé dans l’approche que Jérôme donne aux Champagnes A.J. Demière. Il aime prendre son temps. Ses vins attendent cinq ans minimum. Même ses entrées de gamme.
Il pratique peu la fermentation malolactique, préférant « préserver l’acidité naturelle des vins ». « La “malo” assouplit un vin, reconnaît-il, mais elle le fait aussi vieillir prématurément ». Il préfère que « la rondeur et l’harmonie soient obtenues par le vieillissement en bouteille. »
Comme d’autres vignerons de la région, il a dédié l’une de ses cuves à une « solera simplifiée ». Simplifiée, parce qu’au lieu de contenir plusieurs étages comme une solera de Jerez, celle-ci n’en comporte qu’un seul. Elle se limite à une cuve, soutirée en partie chaque année pour y incorporer le vin nouveau. Elle est réservée au Pinot Meunier. « C’est une forme de cuvée perpétuelle, où le vieux vin éduque le jeune ». Sa solera fut lancée dans les années 1980. Elle contient donc des millésimes vieux de trente ans… Et chaque année, il en tire deux mille bouteilles. Même pas une niche, juste un petit plaisir. A la dégustation c’est un Champagne détonnant, exubérant au nez et d’une persistance insolente. Le reflet de l’esprit des Champagnes A.J. Demière.