Vigneron à Morey-Saint-Denis, Frédéric Magnien s’est lancé dans un mode d’élevage original. Il élève une partie de ses vins dans des contenants en terre cuite (jarres, amphores). Une manière pour lui d’être en parfaite cohérence avec sa pratique de la biodynamie dans les vignes.
Frédéric Magnien fait partie de ces hommes qui aiment faire bouger les lignes. Il y a une quinzaine d’années il n’était pas rare de trouver des vins élevés à 80 % en fût de chêne neuf dans sa remarquable gamme de Grands Crus (Clos de la Roche, Clos Saint-Denis, Charmes-Chambertin, Bonnes Mares, etc.). Changement radical d’itinéraire depuis quelques millésimes : son Charmes-Chambertin aux Charmes 2015, par exemple, a été élevé en totalité en jarres de terre cuite (160 litres), sans contact avec le bois. 2015 est précisément le millésime qui lui a fait sauter le pas. Il s’en explique : « L’idée est d’avoir une micro-oxygénation nécessaire à la maturation du vin, ce que permet la porosité de la terre cuite, mais sans le caractère aromatisant du bois. Le boisé peut perdurer après 10 ans de vieillissement en bouteille ». Ainsi pour lui l’expression du raisin, et au final du terroir, n’est plus brouillée par l’apport végétal et organique du chêne. Il propose ainsi à ses visiteurs curieux, voir sceptiques, de déguster quatre échantillons issus du même terroir et vinifiés à l’identique : un Morey-Saint-Denis Premier Cru Les Chaffots 2018. Le premier est élevé sous bois (fût de chêne et demi-muid), le deuxième en amphore (d’une contenance plus importante que la jarre), le troisième en jarre. Et enfin le quatrième qui résulte d’un assemblage en proportions variées des différents modes d’élevage. Si c’est cette dernière option qui obtient souvent le plus de suffrages auprès des amateurs, Frédéric Magnien lui préfère les élevages en terre cuite. « Il permet d’obtenir des vins plus digestes, cristallins et originels. »
Une recherche de pureté qui est en cohérence avec son travail de la vigne effectué au Domaine Michel Magnien et au négoce Frédéric Magnien : la biodynamie. Car c’est aussi l’un des chevaux de bataille du vigneron de Morey-Saint-Denis. Deux ans après la reprise du domaine familial (18 hectares) en 2008, il entreprenait une conversion totale de son vignoble après être passé par la case bio. Aucun intrant chimique n’est utilisé dans les deux cas mais une différence importante pour lui : « La culture biologique maintient la vie de façon naturelle dans le sol ; la biodynamie, elle, la stimule et revivifie les terroirs. » Une approche encore largement minoritaire parmi ses confrères, mais peut-être n’est-ce qu’une question de temps...
Précurseur, Frédéric Magnien l’est indéniablement. Le sujet des élevages en terre cuite gagne peu à peu les esprits en Bourgogne. Il est observé, voir testé, par un nombre grandissant de grands domaines ou maisons. « J’aime apporter ma pierre à l’édifice, donner des idées, faire réfléchir ». Mission accomplie.
Laurent Gotti
Michel Magnien Gevrey-Chambetin 1er Cru Les Goulots 2017
70 % jarre terre cuite, 30 % bois.
Robe assez dense rubis foncé aux reflets grenat. Beau nez expressif de belle maturité sur des arômes de mûres et de cerises noires. Bouche dense et savoureuse avec une structure solide et intense, des tanins fermes et abondants. Juteux, long et expressif avec une rétro-olfaction intense. Un grand vin.
Fréderic Magnien Charmes Chambertin Grand Cru Aux Charmes 2015
100 % jarre terre cuite.
Robe légère rubis clair aux reflets grenat. Belle aromaticité intense et de belle complexité avec des arômes de prunes fraîches, de cacao, de café toasté, de confiture de cerises noires, une touche de cuir. Belle bouche dense, ronde et structurée, belle sucrosité, du corps, étoffé, des tanins très polis et arrondis, une finale longue, persistante et crémeuse. Un vin d’exception.