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Un grand Bourgogne oublié

UNE QUÊTE, UNE ÉPOPÉE

Emmanuel Guillot envisage la quintessence des vins par le prisme de la sommellerie, de la vigne, de la bande dessinée. Nourri d’une histoire viticole familiale, il délivre une vue de la Bourgogne, intimiste. 
 

Emmanuel Guillot

Ses grands-parents ont été pionniers de la viticulture biologique dès 1954, son père a créé en 1978 le domaine Guillot-Broux à Cruzille, orienté vers la biodynamie en conscience pure du territoire. Les palpitations liées au ceps ont conduit le fils prodige à exercer une activité de sommelier. Initié au domaine puis par Bruno Quenioux aux Lafayette Gourmet, il met dès 1993 son acuité de perception au service des substances. Il s’aventure un peu plus loin, outre-manche officiant à l’Ortolan et au St James, l’antre de Gordon Ramsay. Il y parfait ses acquis.

Cet attrait des substances liquides aux notes captivantes et intrigantes le tarabuste. En 2000, l’appel de la vigne lui inspire un retour au vignoble familial où il rêve au meilleur. Ce contact du terroir, cette imprégnation progressive mais sans retour, lui inspire des expressions autres. D’une boutade entre amis est née une alliance créative, un triumvirat d’exception, entre professionnel et amateurs avertis de la dégustation. Ces comparses Hervé Richez, co-scénariste et Boris Guilloteau, le dessinateur, participent à l’aventure. Celle-ci débute en 2014 avec la publication d’Un Grand Bourgogne Oublié. Elle se poursuivra en 2017 avec un deuxième tome, Un Grand Bourgogne Oublié, Quand viennent les cicadelles… En janvier 2022, la collection s’étoffe d’un troisième album, Un Grand Bourgogne Oublié, Douze Bouteilles à la Mer. Emmanuel Guillot se met en scène, vigneron attentif aux nécessités du domaine, des vignes à l’estimation des bouteilles. Par le prisme d’un quotidien personnel, il dévoile les priorités de nombreux confères, bourguignons et autres. La difficulté de l’acquisition de nouveaux parcellaires, les choix de vinification, l’impact des prescripteurs, celui du Brexit, l’envolée des ventes aux enchères, s’entraperçoivent en filigrane. Des planches spécifiques incitent le lecteur à considérer les typicités de la viticulture. Les vendanges, du ramassage au foulage, les maladies cryptogamiques de la vigne, les insectes néfastes sont décrits dans une dynamique didactique. Avec délectation les référents de la bourgogne viticole deviennent acteurs, les Bruno Clavelier, Jean-Louis Trapet, Cécile Tremblay et quelques autres sont invités dans la sarabande où l’intrigue capte l’attention. A travers un graphisme épuré, s’entraperçoit une quête, celle de la cuvée iconique. A l’instar du Graal, elle capte les attentions. Le Bourgogne 1959 du 1er volume, sans réelle étiquette, laissant planer un doute sur ses origines, encourage les investigations. Rechercher par le prisme organoleptique le vigneron et le domaine l’ayant vu naître, devient une priorité. Le vin du Jura prodigieux du tome 2 intriguera par sa vinification, quelle est-elle ? Les 12 bouteilles de Madère 1792 auraient-elle pu appartenir à Napoléon Bonaparte, Empereur attentif aux Gevrey Chambertin ? Chaque bulle titille la curiosité, l’humour, l’engouement pour les jus d’exception, ceux qui vous vrillent l’âme. Le graphisme se joue de noir et blanc mais se pare de couleur à la description d’un liquide fascinant. 

Une série à suivre en ravissement, papilles attentives !

Sofia Lafaye