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La vente en primeurs, une mécanique de précision

06/12
France

France Bordelais



LA VENTE EN PRIMEURS
UNE MÉCANIQUE DE PRÉCISION

Le caractère du 2011


La pratique de la vente en Primeur, qu’il ne faut pas confondre avec celle des vins nouveaux (souvent appelés ‘primeurs’) est une tradition typiquement bordelaise. Même si l’on recense quelques initiatives similaires dans d’autres vignobles, celles-ci sont bien loin d’atteindre le niveau institutionnel de la Gironde. Ce concept est parfaitement résumé par sa traduction en anglais : ‘to buy futures’. Il est vrai que ces vins sont faits pour la garde.

Genèse, de l’oralité à la tradition…

Antoine Lebègue, historien, auteur de nombreux ouvrages sur Bordeaux et ses vins, et Président du groupe Vins de la Mémoire de Bordeaux, évoque la genèse du système Primeurs: « Tradition orale dès le 19e siècle, puis au début du 20e, on évoquait des ’abonnements’ entre le négoce et certaines propriétés renommées. De bonnes relations entre gentlemen, lorsque les négociants partaient en calèche visiter et déguster les vins du Médoc à la propriété. Aucun contrat, seule la tradition orale et la bienséance étaient de mise. Peu à peu et de façon empirique, le système s’est organisé autour de trois protagonistes : le propriétaire, le courtier et le négociant. À partir des années 1950, le système s’ordonne et l’on commence à parler d’allocations accordées par le Château aux négociants. La tradition orale perdure entre les trois acteurs ».

De la tradition au mécanisme de précision…*

« L’institution du système se structure réellement à partir de 1970, millésime de bonne facture, intérêt des américains pour les vins, après une période difficile dans le vignoble (deux guerres, gel de 1956). Des relevés de prix se mettent en place dès 1972. Dans les années 80, les millésimes 81, 82, 83, l’organisation des dégustations primeurs, l’arrivée de Robert Parker, dégustateur américain, de journalistes et du guide Hachette (né en 1984) ont été des éléments catalyseurs. D’une tradition orale, les contrats entre propriétés, courtiers et négociants se sont imposés», explique A. Lebègue.
De l’aspect amiable, nous sommes passés à un côté institutionnel. Les années 90 ont été spéculatives par l’intérêt des japonais. Dès 2000, la succession de très beaux millésimes, la médiatisation, les réseaux sociaux, les magazines sur Internet, la Chine devenue premier marché pour les vins de Bordeaux et les ventes aux enchères lucratives en Asie intensifient la spéculation sur une quarantaine de crus en 2009 et 2010.
Le système de vente en Primeurs repose sur l’attente d’une dynamique d’évaluation des prix au cours du temps avec trois périodes incontournables : la dégustation, la publication des évaluations et la sortie des prix des vins. Le mécanisme consiste à mettre sur le marché, dès le printemps suivant la récolte, les vins du dernier millésime auprès des courtiers et négociants de Bordeaux. Les propriétés déterminent le calendrier et sortent sur la place du négoce bordelais, à la suite des dégustations Primeurs. Celles-ci s’échelonnent en moyenne sur trois à quatre semaines, avec une semaine phare tout début avril, du 2 au 6 avril en 2012. Journalistes, acheteurs, distributeurs, négociants, courtiers donnent leur sentiment sur la qualité des échantillons représentatifs du millésime. La livraison effective n’ayant lieu qu’à la mise en bouteille, soit 18 à 24 mois après la transaction.
Cette année, plein feu sur le millésime 2011, qui essaie de prendre sa place après deux chiffres qui ont fait parler et couler beaucoup d’encre… 2009 et 2010.


Stéphane Toutoundji
Valérie Lavigne

Retour sur des conditions climatiques particulières …

Après la série 2008, 2009, 2010, le dernier né 2011 a connu une climatologie singulière. Son été au printemps, sa précocité inaccoutumée, son déficit d’ensoleillement en juillet, son mois d’août plus frais et humide que la moyenne et son été retrouvé au début de l’automne ont compliqué la tâche des vignerons sur le terrain.
2011 était loin d’être un millésime facile : déficit hydrique précoce, épisodes orageux, grêle sur certaines appellations, reprise du fonctionnement de la végétation à la véraison, maturation lente des baies, mais hétérogène. Ces faits ont demandé un travail d’observation des parcelles, d’adaptation et de tri (notamment sur les raisins rouges) hors du commun…
SommelierS International a parcouru plus de 3.500 km en trois semaines pour déguster près de 550 vins. Les liquoreux présentent une qualité proche du splendide millésime 2001. Pour les Sauternes et Barsac, vendangés en peu de tries par l’effet rapide de la ’botrytisation’, ce furent un réel enthousiasme lors des dégustations et la découverte de grands vins. En blanc, l’expression du Sauvignon est franche, d’une bonne acidité, délicate, aromatique, de très bonne facture.

Concernant les rouges, nous avons demandé une analyse plus fine dans cette introduction à Valérie Lavigne, consultante et chargée de recherches pour la Tonnellerie Seguin-Moreau, détachée à la Faculté d’œnologie de Bordeaux (I.S.V.V), et Stéphane Toutoundji, œnologue/conseil.
« Plus sensibles à la violence du climat que les Cabernet (sècheresse excessive et chaleur de juin, pluviométrie supérieure à la moyenne en août), les Merlot de 2011 sont hétérogènes. Les plus beaux vins sont issus des pentes argileuses et des sols calcaires de la rive droite. Sur ces grands terroirs de Merlot, les vins colorés et fruités possèdent l’onctuosité, le relief et la fraîcheur qui font défaut à ceux des sols de graves dont la réserve en eau est moindre. La maturité des Cabernet, à l’exception de quelques très jeunes vignes sur graves sèches ayant subi un stress hydrique printanier excessif, a été beaucoup plus homogène. Les petites baies colorées et tanniques, généralement dépourvues de caractère végétal, ont donné des vins denses, puissants et frais. La perte de rendement occasionnée par les températures extrêmes de la fin juin (supérieure à 40°C) a renforcé le caractère tannique et concentré de ces vins, les rendant parfois austères à ce stade de leur élevage. Bien qu’issus d’un millésime précoce, les vins de 2011 n’en possèdent pas les caractéristiques analytiques. Ils sont moins alcoolisés et de pH significati-vement plus bas que les 2009 et 2010 et les plus réussis d’entre eux sont bâtis pour une belle garde. 2011 est un millésime certes hétérogène en rouge mais qui comporte de belles réussites », nous explique Valérie Lavigne.
« Nous ne pouvons pas réellement parler d’une rive supérieure à l’autre après cette période des dégustations Primeurs. Le choix de dates de vendanges, des tris, de vinification, d’extraction, du boisé et de cépages étaient primordiaux pour réussir ce millésime. Par rapport aux conditions particulières de 2011, il est vrai que les cépages Cabernet, et notamment le Cabernet Franc, ont tiré leur épingle du jeu. Les décisions de travaux dans les vignes, l’intervention humaine ont été deux des clefs de la réussite : un millésime très pointu à la vigne et très technique au chai. Il fallait privilégier et conserver la pureté du fruit avec un boisé (élevage) délicat, fondu et stylé pour ce millésime. 2011 est riche d’enseignements avec une grande réflexion sur la vigne, la vinification, le boisé. Nous trouvons de belles réussites sur ce millésime bordelais très classique proche de 2001, ou encore 1998. Avec une bonne ’buvabilité’ et qui devrait baisser en terme de prix. Donc classique, intéressant, avec de bons équilibres, de la fraîcheur et des niveaux d’alcool plus bas que 2009 ou 2010, un boisé très élégant. Un millésime classique, hétérogène, où la main de l’homme ou du propriétaire a impacté de façon importante la qualité des vins », ajoute Stéphane Toutoundji.

*Source: livre de Pierre-Marie Chauvin ’Le Marché des réputations : une sociologie du monde des vins de bordeaux’ aux Editions Féret, et entretien avec l’historien Antoine Lebègue.

Lancement des Primeurs par l’UGC

Du 2 au 6 avril 2012, acheteurs, importateurs, négociants, courtiers, sommeliers et plus de 200 journalistes ont pu se faire une idée du millésime 2011 à travers les dégustations organisées dans les divers châteaux membres de l’Union des Grands Crus, association créée en 1973 et présidée par Sylvie Cazes. La participation cette année fût de 16.349 personnes, un chiffre important après deux splendides millésimes !
Lors du dîner d’inauguration pour la presse nationale et internationale au Château du Tertre en appellation Margaux, Sylvie Cazes souligna que l’assistance était composée de 68 nationalités. Si l’on considère que plus de 80 % du ’business’ est habituellement réalisé sur seulement une vingtaine de pays, et que les deux derniers millésimes étaient hors normes, une telle présence témoigne de l’intérêt suscité par le millésime 2011.
Ensuite, M. Eric Albada, propriétaire du Château, gratifia l’assemblée d’un discours de bienvenue. Le dîner se déroulait dans les chais contenant de superbes foudres en chêne, avec une ambiance printanière par la décoration florale et le doigté culinaire de Tanguy Laviale, Chef au Château Haut Bailly.
Le travail de fond organisé par l’UGC avec 50 évènements annuels sur tous les marchés, auxquels s’ajoute chaque année le week-end des grands amateurs (pour 2012: les 12 et 13 mai prochains), se révèle payant.
Cette semaine intense s’est terminée dans les nouveaux chais de Château Cheval Blanc, 1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion, en présence de Pierre Lurton qui a évoqué le travail de l’architecte Christian de Portzamparc: «Nous avons voulu des chais contemporains avec une image traditionnelle de savoir-faire qui nous ressemble et suffisamment d’espace pour mettre en évidence l’élégance du geste». Un lieu de travail et de réception étonnant qui réinvente l’architecture moderne dans le monde du vin.
Sylvie Cazes après avoir remercié Pierre Lurton d’accueillir l’UGC dans ce lieu magique, concluait sur une semaine positive pour le millésime 2011.
Le rendez-vous Primeurs pour le millésime 2012est déjà pris : du 8 au 12 avril 2013.



Union des Grands Crus de Bordeaux
10, cours du XXX Juillet
33000 Bordeaux
Tél.: +33 (0) 5 56 51 91 91
www.ugcb.net

RIVE GAUCHE LIQUOREUX


Château Guiraud

De grandes ambitions…confirmées en 2011


Xavier Planty

2011 connaît un printemps chaud et sec. La florai­son précoce laisse envisager une récolte anticipée de 3 semaines. Juillet apporte une fraîcheur qui retarde un peu le processus, suivi d’un mois d’août humide et chaud. Les vendanges commencent finalement avec 2 semaines d’avance. Le mois de septembre offre une météo idéale avec des journées chaudes et ensoleillées, des nuits fraîches: des conditions optimales pour le développement d’un beau botrytis combinant de splendides arômes à une belle acidité.

Olivier Bernard, le Comte de Neipperg, M. Peugeot et Xavier Planty



Grâce à un vent de nord-est qui s’installe, la concentra­tion est rapide.
«Nous enchaînons les première et deuxième tries dès le 2 septembre. Ces deux sélections hautement qualitatives représenteront 90 % du grand vin. Une troisième, voire une quatrième et cinquième trie seront effectuées sur certaines parcelles jusqu’au 10 octobre, dernier jour de vendanges au Château Guiraud. 25 jours de travail, à raison de près de 100 vendangeurs par jour, nous offrent une très belle mais très petite récolte : à peine 9 hl/ha cette année et 5 pour le grand vin! On se souvient malheureusement de l’épisode de grêle du lundi de Pâques, le 25 avril à 18h, avec une perte estimée à 40 %, et jusqu’à 80 % sur certaines parcelles », se désole Xavier Planty. Mais d’ajouter : «Actuellement, les vins se goûtent remar­qua­blement bien : concentrés, aromatiques, complexes, sur une magnifique vivacité. Ils sont éclatants. “2001” disent mes voisins… à vérifier, mais je suis heureux du vin que j’ai créé, de sa pureté et de sa rigueur, à l'image de ceux que j'aime fabriquer. Et j’espère toujours faire mieux au prochain millésime!»
Il faut noter que Château Guiraud, où la production d’un grand Sauternes est déjà un sacerdoce, a pris l’orientation bio par conviction et philosophie. Il vient d’obtenir sa certification en Agriculture Biologique. C’est le premier et l’unique des Premiers Grands Crus Classés de Sauternes à obtenir cette qualification, initiée par son directeur Xavier Planty dès 1995. Ce choix exemplaire façonne le nouveau style des vins du domaine qui s’affirment désormais plus purs, plus tendus et plus élancés.
«La vigne reprend ses droits et se rééquilibre seule, nous sommes donc moins interventionnistes. L’enracinement prend de la profondeur et l’extraction des microéléments des sols sera plus forte et se retrouvera dans l’expression des vins. Je suis persuadé que cette orientation plus respectueuse des vignes et de notre biodiversité permettra l’obtention d’une pureté et d’une grande richesse dans nos vins», complète Xavier Planty.


Crédit Photos: F. Poincet





Château Guiraud
33210 Sauternes
Tél: +33 (0) 5 56 76 61 01
www.chateauguiraud.fr

Château Suduiraut

Cru Classé de Sauternes

Le Domaine de Suduiraut, Cru Classé en 1855, s’étend d’un seul tenant sur 92 hectares de vignes, caractérisés par un sol sablo-graveleux. Christian Seely, directeur général, et Pierre Montégut, directeur technique, ont la volonté de pousser la qualité à l’extrême pour ce cru de Sauternes. Les grandes orientations reposent sur une sélection sur mesure des parcelles, des vendanges par tries successives soignées (3 pour le 2011), une parfaite maîtrise des fermentations barrique par barrique, et un choix drastique des lots pour la création du millésime par le savoir-faire de l’assemblage.

Christian Seely

«L’année 2011 s’inscrit sous le signe de la sècheresse (-50 % de pluviométrie sur 4 mois) et de températures clémentes. La vigne a pris 3 à 4 semaines d’avance.


En juillet, tout change: pluies, températures fraîches pour la saison et peu de soleil. La vigne se remet doucement des mois de chaleur qui ont précédé.


Pendant l’été, nous procédons aux travaux en vert classiques. L’ef­feuillage s’étale de juillet à début
septembre en terminant par les vieilles vignes. Nous pratiquons un éclaircissage à dose homéopathique, de façon à rendre homogène la maturation des raisins. Courant septembre, pour favoriser l’aération des grappes, nous effeuillons une seconde fois sur les parcelles où la pousse du mois d’août pluvieux l’impose. Septembre comme souvent, est très ensoleillé et chaud, et annonce un millésime excellent.
Malgré une météo contrastée, l’assemblage du 2011 à 93 % de Sémillon et 7 % de Sauvignon se révèle à la dégustation sur la fraîcheur, le fruité, avec une belle élégance dans la lignée des excellentes années de Château Suduiraut. La longueur aromatique est grande et signe un très beau millésime juste derrière les fameux 2005, 2007 et 2009», assure Pierre Montégut.

Millésime sur la réserve qui, à l’agitation, s’exprime sur des notes de zestes d’agrumes confits, des fleurs blanches, une touche vanillée délicate puis sur les fruits confits, l’ananas et des notes minérales.


La bouche reste onctueuse sur l’équilibre et la fraîcheur avec une finale d’abricots moelleux et de zeste d’orange.
Courant 2011, le Château s’est doté d’un lieu de dégustation original: l’aromathèque. Une approche ludique voire pointue des arômes des vins liquoreux. Les arômes principaux sont ‘enfermés’ dans des flacons afin d’aider les dégustateurs. Un voyage olfactif et gustatif dans des verres noirs pour trois millésimes (2006, 1999 et 1989), complété par la visite des chais et des jardins dessinés par Lenôtre

Crédit Photos: Deepix - Pierre Grenet.

Château Suduiraut
33210 Preignac
Tél.: +33 (0) 5 56 63 61 90
www.suduiraut.com


Pierre Montégut
Château d’Yquem

De la bouteille de vin blanc la plus chère au monde à la naissance d’un très grand 2011

Un Château d’Yquem 1811 a été acheté 75.000 £ (85.000 €) par un collectionneur français, Christian Vanneque, pour son nouveau restaurant à Bali. La bouteille a été vendue au Ritz de Londres par The Antique Wine Company, entreprise spécialisée dans la vente de vins rares. Stephen Williams, son PDG, a encensé le ‘millésime légendaire’: «Le Château d'Yquem est le meilleur vin blanc au monde, a-t-il déclaré. Il gagne en maturité et peut se bonifier indéfiniment. L'importante quantité de sucres résiduels, combinée à l'acidité naturelle des raisins, joue le rôle de conservateur. Il a la capacité de durer plus longtemps que tous les autres vins blancs ». Revenant à des considérations plus abordables, le millésime 2011 du Château d’Yquem a été présenté par Pierre Lurton et son équipe dans les salons réputés de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux pendant la semaine des Primeurs.



Afin de mieux comprendre le style d’Yquem 2011, SommelierS International a interrogé Francis Mayeur, le directeur technique de la propriété:

«Des vendanges très intenses et très rapides groupées sur cinq semaines, sous un temps très chaud et très sec. Un millésime particulièrement intéressant où la diversité des terroirs du cru a permis la maîtrise indispensable des degrés. L’alliance de l’extrême richesse de baies rôties et de raisins moins évolués mais gorgés d’autres saveurs (variétales, fruitées, florales et autres précurseurs) ont contribué à augmenter la complexité de la palette aromatique du vin. Dernière assurance de la haute naissance de ce grand millésime : des fermentations rapides et sans souci par des levures naturelles dont les effluves puissantes et pures marqueront longtemps la mémoire de l’équipe du chai.»


Château d’Yquem
33210 Sauternes
Tél.: +33 (0) 5 57 98 07 07
www.yquem.fr

GRAVES ET PESSAC-LEOGNAN


Château de Rochemorin

Interview de Vincent Cruège

«Le millésime 2011 a demandé de gros efforts techniques et physiques, expli­que Vincent Cruège, directeur adjoint à la production et directeur des R.P. Les conditions climatiques furent exceptionnelles. Nous avions un millésime précoce de 15 jours au mois de juin. Chaque parcelle réagissait différemment selon le type de sol et sous-sols.
Fin juin, par les grosses chaleurs, certaines parcelles se sont bloquées en raison d’un stress hydrique trop prononcé, d’autres ont été échaudées (T° > 40°C les 26 et 27 juin), celles sur nos argilo-calcaires ont mieux résisté. Les choix de la conduite du vignoble ont été primordiaux. Nous avons pris en compte chaque parcelle individu­ellement. Observation, adaptation étaient les maîtres mots. En juillet et août, les quelques précipitations ont permis à la vigne de gérer le stress hydrique et d’éviter la défoliation.



Vincent Cruège


La véraison a été longue mais avec un phénomène particulier qui nous a donné des inquiétudes, nous avions des raisins ‘arlequin’, c’est-à-dire de véraison

diverse sur une même grappe.


Je pense que nous allions vers une catastrophe si nous n’avions pas retrouvé des conditions très favorables à la maturation fin août. Nos vignes blanches sont arrivées très saines avec 2 semaines d’avance, bénéficiant des conditions plus clémentes pour les cépages aromatiques comme le Sauvignon. Pour nos rouges, l’utilisation du Tribaie a permis de gérer au mieux la vendange et de faire un tri très sélectif. A l’œil, le tri n’aurait pas été aussi précis. Ensuite, les extractions ont été menées en douceur, les composés phénoliques étaient importants (couleurs, tanins). Nos vins rouges seront dans la lignée des 2008 avec du fruit, de la personnalité. Quant à la qualité des blancs, nous restons sur l’esprit de nos 2007, 2009, 2010, avec une belle pureté des arômes
», conclut-il.

Château de Rochemorin
Chemin du Carosse
33650 MARTILLAC
www.andrelurton.com

Château CarboNnieux

Nouvelle présidence des Crus Classés
de Graves


Eric Perrin, qui administre le Château Carbonnieux, Grand Cru Classé de Graves, en collaboration avec son frère Philibert, vient de succéder pour trois ans à Jean-Philippe Delmas, Directeur des Châteaux Haut-brion et la Mission Haut-Brion, à la Prési­dence de l’Union des Crus Classés de Graves.






Château Carbonnieux
33850 Léognan
Tél.:+33 (0) 5 57 96 56 20 www.carbonnieux.com

Eric Perrin

Château Fieuzal

Des chais superbes pour aller dans la précision des cuvées…

A Léognan, Stephen Carrier dirige le domaine Grand Cru Classé de Graves de 80 hectares (dont 10 ha de blanc) avec une équipe de 22 salariés. La propriété fût acquise en 2001 par Lochlann Quinn, irlandais et ex- capitaine d’industrie, passionné par le vin. La restructuration de l’outil de production a été réfléchie depuis 2007 dans son organisation, mais aussi dans son financement - non des moindres - par son propriétaire. Après trois ans de gestation, le projet sort de terre en août 2011. D’une conception logique et fonctionnelle, la sobriété est de mise.
A l’intérieur, l’architecte Philippe Ducos a organisé l’outil de travail avec un chai à barriques circulaire (1.200 barriques), un cuvier situé au-dessous permettant un process gravitaire de la vendange.

Cuves bois, béton, inox, gravées pour certaines aux noms des 7 petits enfants du propriétaire. L’unique objectif est de pouvoir produire de plus en plus de grand vin de Fieuzal en blanc comme en rouge pour répondre à la demande des clients amateurs et du marché asiatique.

Stephen Carrier « II est toujours compliqué de faire simple, mais tout a été conçu pour être fonctionnel et permettre une organisation du travail dans le respect du raisin sans être ostentatoire» confie Stephen Carrier.


Crédit photo : Hervé Lefebre / studio Twin






Château de Fieuzal
124, avenue de Mont de Marsan
33850 Léognan
Phone +33 (0) 5 56 64 77 86 www.fieuzal.com

Château Haut-Brion

Domaine Clarence Dillon

A l’horizon 2015, le Centre Culturel et Touristique du Vin ouvrira ses portes au public. Un lieu ambitieux de loisir, d’envergure internationale, qui rendra hommage à la civilisation commune du vin. Complexe culturel, inédit dans sa forme et dans son fond, le lieu célèbrera le Vin, patrimoine culturel mondial dans son universalité et sa diversité. La famille Dillon et Domaine Clarence Dillon (Château Haut-Brion…), impliquée depuis toujours dans de multiples actions et dons caritatifs, s’engagent au côté de la ville de Bordeaux dans ce projet. Une convention a été signée entre la société et le fonds de dotation pour le soutien du Centre Culturel.

Son Altesse le Prince du Luxembourg

« Par ce projet nous célébrons le passé tout en regardant vers le futur, la ville de Bordeaux assied sa place en tant qu’entrée naturelle vers la civilisation globale du vin », déclare le Prince Robert du Luxembourg, PDG de la société familiale et arrière-petit-fils du fondateur Clarence Dillon.








Domaine Clarence Dillon SA

41, Avenue George V • 75008 Paris
Tél.: +33 (0) 1 40 73 85 85 • www.domaineclarencedillon.com
Château Malartic-Lagravière

Plus qu’un millésime de vigneron…
un millésime de précision

2011 s’avère pour la famille Bonnie: «un millésime de ‘sur-mesure’ et de sang-froid. La précision du travail au vignoble était particulièrement déterminante pour obtenir des maturités optimales du raisin, en blanc comme en rouge, avec des équilibres très satisfaisants, mais la sélection restait importante. Les tries successives en blanc ont été plus nombreuses que sur un millésime classique. En rouge, après une sélection rigoureuse, les extractions ont été lentes et mesurées.

Il fallait savoir donner du temps aux macérations pour respecter la matière première.

Pureté de fruit et d’arômes, belle structure tannique et complexité élégante pour les rouges; un très beau millésime net, droit et d’un bel équilibre pour les blancs.»




Château Malartic-Lagravière
43, Avenue Mont de Marsan • BP7 • 33850 Léognan •
Tél.: +33 (0) 5 56 64 75 08 • www.domaineclarencedillon.com


Jean-Jacques Bonnie Château Pape Clément

Plus de quarante années de passion du vin… et 40 châteaux

Pendant la semaine des primeurs, Château Pape Clément, Grand Cru Classé de Graves et Château Fombrauge, Saint-Emilion Grand cru, accueillaient les dégustateurs du monde entier pour déguster l’ensemble des vins des propriétés de Bernard Magrez.
En point d’orgue au Château Fombrauge, le lundi, un déjeuner était orchestré par le Chef étoilé Joël Robuchon. Son équipe s’était spécialement déplacée de Paris pour l’occasion. Suite aux dégustations, SommelierS International a particulièrement apprécié Château Pape Clément en blanc comme en rouge. Nous avons voulu relater le travail technique sur ce Château de 46 hectares, dont 3 de vignes blanches, aux portes de Bordeaux.

Depuis onze ans, un travail d’orfèvre est effectué à chaque millésime. Par exemple, les vignes de Cabernet Sauvignon et Merlot sont gérées à la parcelle, allant de 1 à 2 hectares au maximum et labouréesà l’ancienne, à l’aide d’un cheval de trait. Les vendanges sont manuelles en petites cagettes avec un premier tri à la vigne. La vendange est égrenée totalement à la main. Les grains entiers sont ensuite déversés manuellement dans 28 cuves bois de petite capacité pour respecter la
qualité des baies. 18 à 22 mois d’élevage s’ensuivent. Pour respecter la finesse du travail, pas moins de 27 types de barriques différentes apportent une complexité supplémentaire au vin.
C’est dans cet esprit d’excellence que Bernard Magrez a enrichi récemment son portefeuille de propriétés avec l’acquisition du Château Romer (2e Cru Classé de Sauternes), du Château Malleprat (Pessac-Léognan), et du Château Moulin d’Ulysse, à Listrac-Médoc.
Il se trouve ainsi à la tête de 40 vignobles dans le Monde, soit plus de 950 hectares de vignes implantées sur des terroirs de qualité.
A Bordeaux, la ‘Cave des Découvertes’ du château Pape Clément propose parmi 110 références de vins des vignobles de Bernard Magrez, des œuvres d’art de sa collection personnelle, des expositions et, une fois par mois, un brunch au coin du feu, sans compter les cours de dégustation, d’accords mets et vins et d’assemblage…
L’émotion de la dégustation et de la culture s’offre aux amateurs comme aux professionnels.


Château Pape Clément
216, av. du Docteur Nancel Pénard
33600 Pessac
Phone. +33 (0) 5 57 86 38 38
www.pape-clement.com

Château Chantegrive

Hélène Lévêque




Sur la commune de Podensac, en appellation Graves, la famille Lévêque gère l’un des plus importants domaines de près de 97 hectares: Château Chantegrive.

Depuis 1966, cette famille soudée autour d’Henri Lévêque, propriétaire des lieux et courtier de grand renom, n’a eu de cesse d’affiner les détails à tous les niveaux de la production de la gamme, dont la cuvée'Caroline', blanc sec, était le joyau. Depuis 2006, la famille Lévêque a demandé conseil à Hubert de Boüard dans l’objectif d’augmenter encore la qualité des vins, plus particulièrement celle des rouges. À la disparition d’Henri en 2007, chaque membre de la famille poursuit avec fierté cet élan, conscient du potentiel du terroir. «Des techniques nouvelles sans être révolutionnaires, l’amélioration du mode de conduite du matériel végétal, des process en vinification, nous ont permis d’apporter du croquant, du fruité, du gourmand à nos vins rouges. Tout notre chai est équipé en froid depuis 2010. Nous avons réfléchi à la sélection des tonneliers pour n’en conserver que six. Nous préservons ainsi une pureté de fruit en blanc comme en rouge», explique Hélène Lévêque.
«L’aide précieuse et la disponibilité d’Hubert de Boüard ont été bénéfiques si l’on se réfère aux notes Primeurs du 2010 et à la qualité des dégustations en 2011 sur nos quatre vins. Nous sommes en train de convertir peu à peu notre vignoble pour arriver à un équilibre de 50 % de vignes en blanc et 50 % en rouge afin de mieux répondre à la demande de nos clients, ajoute-t-elle. En 2011, 30 hectares ont été victimes de la grêle dont 6 totalement. Le business plan d’une entreprise familiale comme la nôtre demande un rendement de 40 hl/ha… cette année nous ne sommes qu’à 35, malgré les commentaires très positifs en blanc comme en rouge.
Nous travaillons beaucoup avec LDVins (lié aussi à notre famille) sur l’ensemble de nos marchés, et notamment sur la Chine car ils y ont une équipe. Nous préférons être mesurés dans nos exportations sur ce marché qui se discipline peu à peu. Nous regardons aussi l’Inde, malgré les taxes élevées. Le Brésil porte un grand intérêt à nos vins, nous en avons eu la démonstration en mars dernier lors de la dégustation à Sao Paolo avec l’UGC que nous avons rejointe depuis 1985». Chaque année, Hélène Lévêque organise avec le lycée Hôtelier de Talence un concours du meilleur accord mets et vins de Chantegrive mettant en compétition plusieurs équipes de sommeliers et cuisiniers, avec des dotations sympathiques et non négligeables. «Leur créativité et leurs commentaires sont très pertinents, ils sont nos ambassadeurs pour nos quatre cuvées» confirme Hélène.




Château Chantegrive
33720 Podensac
Phone +33 (0) 5 56 27 17 38
www.chantegrive.com

MEDOC & HAUT-MEDOC


Château Lanessan

Un nouveau souffle…

Depuis 2009, le Domaine Bouteiller a pris un nouveau départ avec l’arrivée de Paz Espejo, nommée directrice par la famille propriétaire des lieux. Une nouvelle charte graphique a été mise en place pour positionner une identité forte et rénovée. Des objectifs qualitatifs sont fixés pour les différents Châteaux: Lanessan (45 ha), de Sainte Gemme (13 ha) et le second vin les Calèches de Lanessan.

«Après quelques 12 ans d’activités passionnantes pour le négoce, mes attentes professionnelles de retrouver la production, la valorisation des terroirs et le savoir-faire se sont concrétisées avec la confiance de la famille Bouteiller. Je suis arrivée avec une vision extérieure, technique et commerciale par mon expérience passée. Une nouvelle stratégie a été mise en place avec l’équipe. Tout en respectant le passé et le domaine, j’ai l’ambition de valoriser et d’optimiser ce terroir magnifique de graves profondes. Je dois m’adapter à l’authenticité et à la typicité qui font l’élégance de Lanessan, mais en lui imprimant un nouveau souffle. Le travail des sols, les analyses, les clones, ont permis d’augmenter dès 2009, à la faveur du millésime, la distinction et la précision des vins.


Concernant le millésime 2011, nous avons eu très peur. Nous n’avons pas joué à la roulette russe! Pour les Merlot, la qualité de base est correcte avec une extraction très raisonnée pour obtenir le velouté du cépage. Quant aux Cabernet et Petit Verdot, ils sont splendides et proches du niveau des 2010.

Il a fallu beaucoup de tries pour conserver la qualité habituelle de nos vins. Le 2011, très Cabernet Sauvignon et Petit Verdot, est une belle signature Haut-Médoc pour Château Lanessan. Ce sera un millésime de consommation-plaisir supérieur à 2007 et même à 2008. Pour l’anecdote, il faut savoir que nous n’avons plus de 2007, ni 2004, ni 2001 à la propriété… Le palais du consommateur est la réalité des choses.Je crois beaucoup à Château de Sainte Gemme postulant à la reconnaissance Cru Bourgeois: joli terroir pour des amateurs qui recherchent des vins gourmands liés à l’image médocaine, et prix accessible… une belle entrée en matière pour des vins plus complexes en Haut-
Médoc

Propos recueillis auprès de Paz Espéjo – Directrice.Le Domaine et les châteaux historiques sont un pôle œnotouristique déjà connu: le musée privé avec sa collection de calèches, les écuries de Lanessan, les superbes jardins. Des projets de circuits de visite plus thématiques et un axe sur le Château Lachesnaye sont à l’étude. «Une volonté de compléter l’activité du vin, le terroir viticole et d’apporter de la richesse à Lanessan.» ajoute Paz Espejo.

Paz Espejo


Domaine Bouteiller - Château Lanessan
33460 Cussac-Fort-Médoc

Tél.: +33 (0)5 56 58 94 80

www.lanessan.com

Château La Lagune

Interview de Caroline Frey


« A l’aube des vendanges, le millésime restait difficile à cerner. Les Merlot se goûtaient bien, les Cabernet et les Petit Verdot n’étaient pas encore très démonstratifs. Conséquence des conditions clima­tiques, les graines étaient petites avec des pellicules plutôt épaisses.
Une quantité non négligeable de graines rosées nous préparaient à un tri sévère.
Tout comme la floraison, les vendanges ont été particulièrement précoces : nous avons récolté les premiers Merlot le 5 septembre, et les derniers Cabernet le 28. C’est un nouveau record de précocité pour La Lagune, proche de 2003 (début des vendanges le 6 septembre), de 1982, mais 1976 tient encore la tête (début des vendanges le 29 août)!
Le 19 septembre, il tombait 15 mm de pluie sur le vignoble. Pas de panique, nous sommes restés sereins. Seules les jeunes plantes de Cabernet Sauvignon étaient récoltées et nous avons fait le pari d’une semaine supplémentaire de maturité pour les parcelles plus âgées. Pari gagné grâce aux sept jours de beau temps qui ont suivi, pendant lesquels les raisins ont fait une progression spectaculaire.
Comme anticipé, le tri était cette année un des éléments déterminants dans la réussite du millésime, et le X-tri (tri optique) que nous utilisons depuis 2010 a permis un travail d’une précision remarquable sur les petites graines rosées. Les premières cuves étaient prometteuses.
Ces pellicules épaisses ont libéré rapidement leurs anthocyanes, les moûts prenaient une couleur dense dès les premiers remon­tages.
En fin de fermentation alcoolique, les cuves passaient toutes par une phase de dureté qui disparaissait après les premiers jours de macération post fermentaire. Les vins prenaient du gras au cours de cette dernière phase. Avant écoulage, les indices de tanins et d’anthocyanes étaient encourageants et les dégustations confirmaient ces observations.
Les conditions particulières et extrêmes de ce millésime n’