Une appellation confidentielle et circonscrite à son rosé gris ou gris de gris qui a pour elle l’existence de deux phares touristiques majeurs dont rêverait nombre d’appellations en France : la Camargue et Aigues-Mortes.
Des chevaux, des gardians, des flamants roses et des marais salants d’un côté et de l’autre la cité fortifiée, l’ombre des croisades, la tour Carbonnière et les fougasses. On doit désormais y ajouter les vins de Sable de Camargue, officiellement reconnus en AOP en 2023 délaissant son titre d’IGP. En 2009 le syndicat, né en 1971, devient ODG et promeut désormais ce bout de terre situé entre ciel et mer qui s’étend sur près de 3 000 hectares de nature préservée. Un environnement unique dans lequel 89 vignerons-producteurs proposent leurs emblématiques Gris et Gris de Gris.
Des vins qui à s’y méprendre rentrerait incognito dans la vaste gamme des rosés sans identité mais dont on s’aperçoit assez vite qu’ils encapsulent de manière assez étonnante tout un paysage fait de sable fin et d’embruns méditerranéens. Pâle saumonée et d’un équilibre en bouche mariant rondeur, fraîcheur et notes iodées les Vins de Sable sont élaborés à partir du grenache noir et gris, pressé délicatement et rapidement afin d’en préserver la belle palette aromatique et les pigments colorés contenus dans les peaux.Entre fruits blancs à noyaux estivaux, pomélo, mangue, litchi et fruits rouges. Des expressions souvent mâtinées de fragrances florales et minérales.
Ci-après deux très jolis représentants de ce renouveau stylistique et qualitatif des vins de l’AOP Vin de Sable de Camargue.
Un vin à la robe pâle aux habituels reflets saumonés. Le nez, appétant, vous projette littéralement, au-dessus d’une corbeille de fruits rouges parmi lesquels on devine la fraise et la framboise. En bouche, sans surprise, on est conquis par ces notes de fruits frais et acidulés. Les équilibres sont précis et les marqueurs d’un grenache mûr joliment aromatique. Le merlot présent à plus de 20 % lui apporte une texture plus profonde. Une véritable réussite.
Une belle expression d’un grenache gris adossé à un terroir unique balayé par les embruns de la Grande Bleue. On est rapidement séduit par la délicatesse du nez oscillant entre expressions de fruits rouges frais et de fleurs blanches. La bouche d’une fraîcheur presque chlorophyllienne convoque des notes subtiles de fruits à noyaux et d'abricot. Qu’on ne s’y trompe pas cette cuvée épousera parfaitement une brandade de morue ou encore, pourquoi pas, une pissaladière.
Qu’on se le dise les gris ou gris de gris de cette Camargue aux terroirs sablonneux sous influence maritime ont de jolis arguments à faire valoir pour s’imposer aussi bien sur les tables de consommateurs en quête de vins avec des taux d’alcool plus faible qu’auprès d’œnophiles – lassés par des rosés de masse – à reconquérir avec une production très identitaire et qualitative.
Henry Clemens