Je m'identifie

Vitivisio, la viticulture intelligente

11/03/2025

 Tony Moura-Salgueiro (data scientist) , Arnaud Susset (président & co-fondateur), Matthias Sesboüé (directeur technique), Kenza Lahdir (data scientist), Baptiste Leroy (ingénieur électronique et systèmes embarqués) et Laurent Godeau (directeur général & co-fondateur).

Face aux défis croissants que représente la viticulture moderne, Vitivisio a fait de l'accompagnement des professionnels de la vigne grâce à l'intelligence artificielle son cheval de bataille. Rencontre avec Laurent Godeau, l'un de ses fondateurs.


Présentez-nous Vitivisio.
Vitivisio c’est d’abord une discussion avec mon associé, Arnaud Susset, sur la transition agroécologique et l’impact qu’aura l’imagerie embarquée sur les pratiques viticoles. Arnaud, ingénieur et PhD en physique de formation, avait déjà réalisé des projets de recherche et développement (R&D) avec des acteurs importants du monde viticole. Pour ma part, vigneron de métier (12 ans en Entre-deux-Mers) et fraîchement diplômé MBA, je m’étais formé à l’intelligence artificielle (IA) et j'avais étudié les systèmes existants en viticulture de précision.

C’était début 2022, les solutions d’imagerie proposées ne répondaient pas pleinement aux défis auxquels les vignerons étaient confrontés. Il y a une pression inédite sur les rendements (changement climatique, contraintes réglementaires toujours plus strictes sur l’utilisation des intrants), ou encore le manque de temps et de main d’œuvre. Vitivisio aide alors à accélérer la transition vers une viticulture de précision, plus performante et durable, en alliant Proxi-Détection et IA. Nous déployons déjà nos capteurs embarqués dans plus de 10 AOC. Avec ces capteurs nous collectons de façon automatisée les données des parcelles de vigne et nous délivrons des analyses pour suivre pied par pied la santé des vignes (localisation RTK des pieds morts, manquants, complants et maladies du dépérissement), compter les grappes ou encore mesurer la surface foliaire et la vigueur en intra parcellaire. Ces données aident les vignerons à pérenniser chaque parcelle du vignoble.

Vitivisio est aujourd’hui présents dans les régions Loire, Cognac, Bordeaux et Champagne, et a déjà analysé plus de 20 millions de données sur plus de 14 cépages, dans diverses configurations (capteur embarqué sur quad, tracteur et enjambeurs) et densités de plantation.


Avec Vitivisio la surveillance de la vigne se fait grâce à l'IA et des capteurs de proxi-détection, pouvez-vous nous expliquer le concept ?
Notre solution combine un capteur embarqué que nous avons développé et qui s’adapte à tout type d’engin viticole. Avec ce capteur nous collectons un ensemble de données géolocalisées précisément grâce à un GPS RTK (précision au centimètre). Ces données sont ensuite analysées grâce à nos algorithmes pour détecter les pieds, les grappes, les feuilles et leur attribuer des caractéristiques précises, position, surface, taille, texture, etc.  Le capteur Vitivisio agit comme l’œil du vigneron accroupi dans sa vigne. En plus de voir, il enregistre et géolocalise l’information. L’IA est utilisée pour voir dans les images (Deep Learning) et aussi pour trier les informations, évaluer chaque critère, permettant de faire un diagnostic de santé de la vigne par exemple. Notre système permet à la fois une surveillance de la vigne mais aussi de conserver les données pour les analyser facilement et prendre des décisions éclairées.


Combien d'années de recherche ont été nécessaires pour rendre le procédé optimal ?
Nous équipons cette année nos clients d’un capteur qui collecte des informations des deux côtés, soit deux rangs en simultané, parfaitement adapté à la collecte de données combinée au travail mécanique. Pour le mettre au point, ce sont 2 ans de R&D, mais c’est sans compter plus de 20 ans d’expertise d’Arnaud dans les systèmes embarqués et l’IA ça compte aussi ! Ce qui rend notre système d’acquisition unique c’est qu’il voit la vigne dans toutes les configurations (densités de plantation et palissages) grâce à nos angles de vue et toutes les heures de la journée grâce à nos éclairages intégrés. Côté vision ordinateur sur les données images, au-delà du temps passé en R&D, la performance de nos analyses est liée non seulement à la qualité, mais aussi à la quantité ET l’homogénéité des images que nous collectons.


Percevez-vous une crainte de la part des vignerons, quant à l'utilisation des nouvelles technologies ?
Aucune crainte, bien au contraire. C’est dans l’ADN des vignerons d’innover. Par le passé la viticulture a innové dans la chimie, la mécanisation... La prochaine révolution est celle de la donnée, et il y a une vraie prise de conscience de tous les acteurs de la viticulture. Parmi ces technologies, il y a l’IA. Chez Vitivisio, nous développons des applications adaptées au métier pour aider le vigneron dans ses décisions. Donc une crainte non, mais il y a des freins à l’adoption, bien entendu, qui peuvent prendre la forme d’une résistance au changement qui n’est pas spécifique au domaine viticole. C’est pour cela que nous prêtons une attention particulière pour accompagner nos clients et adapter Vitivisio aux itinéraires techniques et non l’inverse.


Selon vous quel rôle joue la technologie dans l’évolution des pratiques viticoles ?
La technologie jouera certainement un rôle central dans la détection des maladies, la réduction des intrants et l’adaptation au changement climatique. Ce sera aussi un formidable outil de transmission du savoir-faire et de mémoire. Je ne sais pas si les vins seront meilleurs grâce à la technologie, mais l’objectif est de pérenniser nos vignobles et le savoir-faire. On produit du vin depuis 8 000 ans, l’enjeu c’est de produire encore du vin au prochain millénaire et le vigneron utilisera les outils et la technologie de son temps comme il l’a toujours fait.


Propos recueillis par Sandy Bénard-Ravoisier

 

vitivisio.com