Une allée de platanes tricentenaires, un château aux volets blancs, la lumière déjà dorée
sur les pierres claires. Le décor est planté. Il est tellement provençal !
Devant Raimonds Tomsons : le Ventoux, massif tutélaire, 1912 m d’altitude, et une journée de dégustation qui s’annonce aussi exigeante qu’inspirante*. « Quand on arrive ici, on comprend tout de suite pourquoi les vins ont cette fraîcheur », dit-il, le regard rivé sur les pentes du mont, d’où descend chaque nuit un souffle glacé. Cette amplitude thermique – jusqu’à 20°C entre le jour et la nuit – est la signature climatique d’une AOC aussi haute qu’hors norme. C’est le climat le plus tardif du sud de la Vallée du Rhône, et ça change tout.
Car dans les verres, ce sont 49 rouges de l’appellation Ventoux que Raimonds va déguster dans le silence concentré du siège de l’AOC Ventoux à Carpentras. « J’ai une préférence pour 2022. La qualité est plus constante. Et j’ai aimé la diversité des expressions. Certains vins sont dans la pureté du fruit, d’autres dans la complexité boisée et encore d’autres dans une combinaison de fruité, de complexité et de concentration. Il y a du potentiel ». Il note, classe, sélectionne. Quinze cuvées se détachent, révélant une belle lecture du terroir : trois grandes familles, du fruité lumineux à la profondeur boisée.
Mais la magie du Ventoux se vit d’abord dans la terre. Une véritable mosaïque géologique – argiles rouges, calcaires lumineux, sables jaunes, cailloutis ferrugineux – qui change au fil des kilomètres. Un sol, un profil, un vin. « Le terroir ici est vivant, mouvant, et chaque parcelle raconte une histoire », souffle Alexandre Chaudière, vigneron au Château Pesquié, l’un des pionniers du bio et de la biodynamie dans l’appellation.
Et puis il y a la nature. Foisonnante, préservée, exceptionnelle. Deux parcs naturels régionaux, celui du Mont Ventoux et celui du Luberon, et une réserve de biosphère UNESCO. Les chênes truffiers partagent l’espace avec les cerisiers et les oliviers. « C’est magnifique toute cette forêt, cette nature ! », s’émerveille Raimonds. Ici, le vivant n’est pas un concept, c’est un quotidien. «Réunis pour cultiver, partager et protéger le sommet du vivant », clament les vignerons, unis dans une vision durable et engagée. « On parle toujours de fraîcheur dans les vins mais si on ne vient pas sur place, on ne comprend pas. Regardez ces montagnes ! Grâce à elles et à notre mosaïque géologique nous avons la chance d’avoir cette fraîcheur dans nos vins », s’enthousiasme Marie Flassayer, directrice de l'ODG AOC Ventoux (Organisme de Défense et de Gestion de l'AOC Ventoux).
Le soir, au restaurant Chez Serge – institution carpentrasienne où le vin flirte avec la truffe – les blancs dégustés séduisent à leur tour. Clairette, viognier, roussanne, sur calcaire et fraîcheur. Raimonds repart le carnet plein de notes et la tête pleine de paysages. Le Ventoux n’est pas qu’une appellation : c’est une respiration. Une promesse d’altitude, de biodiversité et d’équilibre. Un territoire où l’on cultive l’art de vivre avec autant de finesse que celui du vin.
Florence Corbalan
*Les notes de dégustation de Raimonds Tomsons sont à retrouver dans notre précédent numéro (n°187).