Créée en 2007, l’Union des Côtes de Bordeaux réunit sous une même bannière les terroirs de Blaye, Cadillac, Castillon, Francs et Sainte-Foy autour d’une « marque » collective de reconnaissance : l’AOC « Côtes de Bordeaux » (née en 2009). Confortée par cette nouvelle légitimité, l’Union des Côtes de Bordeaux a donné une visibilité particulière à l’œnotourisme dans les cinq appellations. Stéphane Héraud, son président le spécifie, « chacune des cinq sœurs a saisi l’importance que l’œnotourisme pouvait représenter pour valoriser leur territoire et montrer son dynamisme ».
Castillon affirme sa volonté de se distinguer en optant pour des activités inusuelles et très diverses. Cheval, vélo, canoé et avion, elle incite à la créativité. Avec le Libourne Aéroclub, un survol des domaines de l’appellation a été mis en place. L’avion (jusqu’à 3 passagers + pilote) permet d’envisager ce trajet officiel facilitant une perception ‘globale’ de l’aire mais le pilote peut s’adapter aux demandes particulières et effectuer un vol plus précis, avec un focus spécifique au-dessus de certains domaines. Avant de repartir, une dégustation vin de l’appellation permet de rendre vivace le lien avec les vignes. Prévoir environ 45 minutes, dégustation de vins incluse.
Le Château de Pitray s’élève dans un parc majestueux, au cœur du vignoble. La propriété appartient à la même famille depuis six cents ans environ. La tradition viticole y est très ancienne. Situé sur la commune de Gardegan près de Castillon, le lieu, paisible, dispose de plusieurs chambres d’hôtes spacieuses où il est agréable de séjourner. Cette enclave encapsule sans caricature l’art de vivre à la française. La visite du vignoble et la dégustation des vins est recommandée. En effet, les 37 hectares permettent de produire des vins à la structure perceptible mais aux tanins souples et aux notes délicates.
Le Château Franc La Fleur séduit autrement. A Saint Magne de Castillon, Christian Jacquement expérimente. En charge du domaine de 1,50 ha, entièrement planté en 2001, il a résolument opté pour une viticulture bio. Le résultat est probant. L’élégance des vins, la finesse des tanins et la délicatesse des saveurs convainquent. Il oscille entre cohérence de facture et poésie. Cette dernière se discerne dans l’élaboration de son jardin. Plantes aromatiques, main de bouddha (cédrat asiatique), baies diverses, érables japonais, la place recèle d’espèces inusuelles et se visite.
A noter que tous les 3èmes dimanches du mois, une propriété de l’appellation accueille les gourmands (20 personnes maximum) pour découvrir l’appellation autour d’accords mets-vins audacieux, sous l’égide du Chef Jean-Christophe Loste.
Cadillac axe particulièrement sur l’œnotourisme, le patrimoine et l’accueil à la propriété. Journée portes ouvertes à la Pentecôte avec son traditionnel Rallye de voitures de collection, spectacles ou encore ateliers du chef chez les vignerons font partie des animations proposées au grand public pendant la saison estivale.
Les domaines ont à cœur de faire partager leur quotidien. Au Château de Biac, Youmna Asseyli organise des ateliers accords Vins et fromages, et Vins et Charcuterie. Elle propose également un pique-nique à déguster dans les vignes. L’idée a du succès. Avec une vue percée superbe sur la Garonne, ce domaine constitué d’une kyrielle de petites parcelles géologiquement diverses, a permis la viticulture d’un panel intéressant de cépages. Les vins rouges sont structurés avec une prégnance des notes gustatives, le blanc liquoreux surprend par sa finesse.
Blaye diversifie les initiatives. Outre l’incontournable Printemps des Vins qui réunit chaque avril 80 vignerons dans la Citadelle de Blaye pour un week-end de rencontres et de découvertes, l’appellation est partenaire du Marathon des Vins de Blaye et de la Randonnée VTT qui lui confèrent un tourisme ‘oeno-sportif’. La Citadelle de Blaye abrite par ailleurs le Clos de l’Echauguette, un ‘micro-vignoble’ en Blaye Côtes de Bordeaux qui sera exceptionnellement ouvert au public pour une grande soirée le mercredi 2 août.
Persévérant dans cette optique patrimoniale, le Château Nodot invite à une escapade dans le Moyen Âge. Jessica Aubert, férue de cette époque a créé un univers atypique. Elle organise des dîners médiévaux où elle reçoit, vêtue à la mode médiévale, et cuisine à la façon de l’an mille en faisant déguster ses vins. Certifiés en biodynamie par le label Demeter ils présentent un réel intérêt gustatif. Le véritable engagement de cette jeune viticultrice à pratiquer son art autrement impacte sur les vins. Les notes de fruits rouges et noirs retranscrivent parfaitement la quintessence du fruit avec une excellente fraîcheur et une belle intensité.
Le Château Godard Bellevue envisage l’œnotourisme autrement. Les dégustations de vins au domaine sont possibles mais la créativité s’exprime à travers un choix, celui de l’agro-foresterie. Lorsque les vignes seront replantées, des haies, des arbres le seront également entre les rangs. Cela facilitera le développement d’une flore et d’une faune auxiliaire. L’enjeu est de rétablir et de pérenniser un éco-système. La protection de la flore et de la faune permet indirectement de réduire les intrants nuisibles à la vigne par des procédés naturels. Les touristes pourront être initiés à cette pratique perçue comme avant-gardiste. Ici ils pourront déguster des vins aux tanins souples mais présents, aux notes de cassis, et de fruits noirs.
L’appellation Sainte-Foy vient de rejoindre l’Union des Côtes de Bordeaux. Elle organisera en août sa Fête du vin, célébrant ainsi son intégration et les 80 ans de l’appellation. A titre privé, les domaines multiplient les initiatives. Le Château Couronneau fait maison d’hôtes. Ses chambres sont épurées, spacieuses et leur décor est lié à l’univers du vin. Il est possible de s’initier à la biodynamie, à un autre type d’élaboration avec des expériences de vinification en amphores, œufs de terre cuite et de barriques. Le vin témoigne de l’efficience de la démarche. Les tanins sont fins, les notes de groseille contribuent à donner de la fraîcheur et de la délicatesse. Les touristes amateurs de sport apprécieront de pratiquer l’équitation au sein du domaine.
Les Côtes de Bordeaux ont décidé de donner une autre perception de l’œnotourisme bordelais en créant une offre diversifiée, attractive. Entre patrimoine, expérimentation et initiation à un réel univers, les initiatives se multiplient et séduisent. En filigrane s’affirment le vigneron et le lien intrinsèque avec son vin. Le touriste a le plaisir d’observer, de comprendre.
Sofia Lafaye
Vous avez un panel assez particulier et diversifié d’activités. Comment les avez-vous envisagées ?
Nous avons réfléchi et passé du temps afin d’élaborer cet éventail. A Castillon, il existe une diversité de type de vins, nous souhaitions, en parallèle retrouver plusieurs variétés d’activités œnotouristiques. Le survol de l’appellation en biplace, l’escapade à cheval dans les vignes, les déjeuners créateurs d’accords et d’autres le rappellent, « à chacun son Castillon, à chacun son œnotourisme, à chacun sa visite de la propriété ».
Quel est l’atout premier de l’œnotourisme ?
Il facilite la proximité entre le viticulteur et le consommateur. Le visiteur partage des instants avec le vigneron, entre dans son univers, son quotidien et la convivialité s’instaure. Cette dernière est l’essence même du vin.
Vous offrez aux touristes un instant unique ?
En effet ! Il doit être festif et le consommateur aura un souvenir d’autant plus fort de Castillon qu’il connaîtra plusieurs propriétés, et vécu quantité d’expériences. De surcroît, certaines de nos propositions n’existent pas au sein des autres appellations des Côtes de Bordeaux. Cela est intéressant pour nous et nourrit indirectement l’identité plurielle des Côtes de Bordeaux.
L’œnotourisme s’est-t-il développé par phases successives, liées à des politiques particulières, ou de manière linéaire avec une certaine adaptation du terrain ?
Il n’y a pas eu besoin de mettre en place une politique œnotouristique à proprement parler dans les Côtes. La tradition d’accueil à la propriété et de réception de visiteurs « à domicile » est ancrée dans nos appellations de façon innée. Notre rôle en tant qu’ODG a été simplement de faire mieux connaître l’ensemble des initiatives individuelles.
L’organisation de l’œnotourisme en Côtes de Bordeaux se concrétise-t-elle d’une manière pyramidale avec des choix pris par vous ou incitez-vous plutôt chaque appellation à leur propre créativité ?
Chacune de nos appellations a saisi l’importance que l’œnotourisme pouvait représenter pour valoriser leur territoire et montrer son dynamisme. Nous échangeons constamment avec nos appellations, les encourageons dans leur projet et essayons d’appuyer leurs nombreuses initiatives dès que nous le pouvons.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres vignerons pour les convaincre de l’intérêt de l’œnotourisme ?
Il ne faut pas s’engager dans l’œnotourisme par effet de mode, parce que c’est tendance. Il faut le faire avec conviction et parce que cela correspond à un vrai projet, une vraie envie mais également, une façon d’être. Il y a un impact réel, on ne peut pas le nier car le vigneron qui s’engage dans l’œnotourisme se rend disponible à chaque fois que la clientèle le demande. Il est à la fois viticulteur, conseiller et hôte.
L’œnotourisme s’affiche et se revendique créatif en Côtes de Bordeaux. Une réelle ingéniosité sans doute liée à l’identité des Côtes. Quelle en est votre perception ?
Parmi les 20 mots-clés qui nous représentent, on retrouve la créativité, l’audace, le dynamisme… C’est donc logique que cela se retrouve dans nos actions et dans celles de nos vignerons ! Cette créativité ne s’exprime que par le sens de l’écoute de nos vignerons et leur forte proximité avec le public. Nous vendons encore beaucoup « à la propriété » ; pour l’œnotourisme, c’est une force.
Quelle cible serait pour vous idéale, la clientèle française, internationale ?
Il n’y a pas de cible idéale. Nous sommes ravis d’accueillir une clientèle internationale grandissante dans nos appellations, sur les évènements que nous organisons ou dont nous sommes partenaires. Ces visiteurs sont de futurs prescripteurs pour nos régions et nos vins… Tout comme les Français ! La France regorge de belles régions : à nous de montrer qu’il y a aussi de belles choses à voir dans le Bordelais et spécialement dans les Côtes de Bordeaux.