Portrait de Vignerons Armagnac
À 130 kilomètres au sud de Bordeaux, à La Bastide d’Armagnac, en pays landais, Martine Lafitte pérennise avec passion et dévouement l’entreprise familiale créée en 1807. Cinq générations se sont succédées pour défendre les vraies valeurs et le savoir-faire de l’Armagnac avec un grand A.
A
La Bastide d’Armagnac, le château des lieux, construit par Victor Louis, architecte du Grand Théâtre de Bordeaux, siège encore fièrement. En prenant la route de Villeneuve, vous trouvez la maison du Domaine Boingnères. Initiée très jeune à l’aventure familiale,
Martine Lafitte reprend l’entreprise à bras-le-corps, en 1953, pour continuer la production d’Armagnac et développer les relations avec les restaurateurs, les sommeliers, les connaisseurs. Un patrimoine régional, une eau-de-vie avec une origine, une richesse culturelle et gastronomique qui devraient être rappelées aux amateurs de vins et de grands vins pour clore un repas dégustation.
«Pourquoi ne pas proposer 2 ou 4 cl, versés dans le verre en début de repas et qui attendraient avec patience, en dévoilant leurs arômes, leur chaleureuse convivialité, pour clôturer un excellent dîner? » suggère Martine Lafitte.
Cultivés sur 24 hectares, moitié sur la commune de La Bastide et moitié sur le village de Saint-Vidou où reposent les parents de la propriétaire, les trois cépages : Folle Blanche, Colombard et Ugni blanc, se partagent le terroir. Il est à noter que 70 hectolitres de moût par hectare de vendange, ne donnent au final qu’environ 10 hectolitres d'eau-de-vie…
L’alambic Martine Lafitte a un faible pour la Folle Blanche : 14 hectares d’un cépage d’excellence pour l’élaboration d’un grand Armagnac. Ce sont ses grains qui lui donnent l’élégance, la féminité, son côté floral et aérien. Les notes
«masculines» sont apportées par le Colombard. L’Ugni Blanc, quant à lui, est là pour créer le lien entre les cépages dans l’assemblage.
Léon Lafitte, son père, qui fêterait ses 100 printemps cette année, n’est plus là pour vous citer son adage, dans lequel il fait un parallèle entre les vins de Bordeaux et les Armagnacs:
«Grand vin, grand cépage - Grande eau-de-vie, grand cépage». Mais «attention, s’exclame Martine, quand la Folle s’affole, il faut s’affoler», tout simplement parce que c’est un cépage sensible.
«Comme mon père, je recherche l’équilibre et la netteté de l’Armagnac. Les grandes années sont 1968, 74, 75, 79, 88, 90...» ajoute-t-elle.
En Armagnac, il faut laisser
du temps au temps…
Le temps des vendanges. Le temps de la distillation qui peut aller de 13 à 15 jours. L’alambic, de type Sier mais un modèle gaz ou bois unique construit par Mr Broustet, est surveillé 24 heures sur 24. Le serpentin de près de 62 mètres de long et le fameux col de cygne permettront une distillation en continu, propre à l’élaboration des armagnacs à 52°.
«En 2007, nous avons produit 39 pièces de 400 litres, et 79 hectolitres de Folle pure. En 2010, j’ai choisi, pour célébrer les 100 ans de feu mon père, de ne travailler que la Folle. Chaque pièce prendra place dans la quiétude des chais pour de longues années de vieillissement …» Martine Lafitte s’est associée avec quatre autres crus légendaires en Bas-Armagnac pour conserver et pérenniser un savoir-faire:
Château Tarriquet, de Briat, de Lacquy et Laberdolive. Un extrait de l’article 12 de la charte donne l’esprit dans lequel chacun cherche à perpétuer une identité, un patrimoine mythique :
• La distillation devra impérativement être effectuée sur l’exploitation, à l’aide d’un alambic de type armagnacais agréé et sous contrôle du producteur.
• L’eau-de-vie sortant de l’alambic, destinée au vieillissement, doit être mise aussitôt en pièces ou tonneaux de chêne pédonculé français.
• La totalité de la production de chaque année devra être mise en pièces ou tonneaux d’un âge inférieur à 5 ans.
• Vieillissement fait exclusivement en pièce ou tonneau jusqu’à 15 ans.
• Aucune adjonction de produits autorisée pour un vieillissement artificiel.
• Les Armagnacs vendus millésimés ne doivent pas être réduits de plus de 0,8%.
• La mise se fera sur l’exploitation avec indication
«mise en bouteille au domaine» sur l’étiquette.
Retrouvez le Domaine Boingnères sur les tables de grands restaurants comme Taillevent, Troisgros à Roanne, Pic à Valence, le Crocodile à Strasbourg, mais aussi à Paris, Lyon, Bordeaux, Londres… sans oublier l’un des plus fidèles amateurs: «Chez Joséphine» dans le 6ème à Paris. Sinon, six fois par an, Martine Lafitte participe et fait déguster ses armagnacs au Club des Professionnels du Vin. Un rendez-vous annuel à Paris, Marseille, Strasbourg, Lyon, Nice et Genève, au contact des professionnels de la sommellerie et de la restauration. Le millésime 2010 pour la Folle Blanche s’annonce excellent dans les analyses, la qualité, la maturité, les arômes grâce aux conditions climatiques de cette année. Des Armagnac à savourer en saluant la mémoire de Léon Lafitte, cet homme qui aurait fêté son centenaire en dégustant son Armagnac tout en écoutant Monsieur Pavarotti… Comme Richard III qui donnait
«My kingdom for a horse!», Léon Lafitte aurait donné… tout son chai pour chanter avec la voix du célèbre ténor!
Florence VARAINE
Domaine Boingnères
Le Frèche - 40 240 La Bastide d’Armagnac Tél. :
+33 (0)5 58 44 80 28 armagnaclafitteboingneres@orange.fr