Malgré sa proximité avec Madrid en voiture ou en train, la région viticole espagnole Sierra de Gredos est relativement méconnue des professionnels du vin. Son avènement en tant que région productrice moderne date des années 90 mais la difficile situation économique de 2008 a mis à mal les efforts naissants. Et les dissensions occasionnelles, incapacité ou manque de volonté à adopter des méthodes de marketing modernes, l’absence d’une appellation contrôlée identifiable ou d’un organisme indépendant pour mutualiser les efforts ont empêché les vignerons visionnaires qui travaillent d’arrache-pied d’obtenir la reconnaissance qu’ils méritent.
Ici, les vieilles vignes de Garnacha et le cépage blanc autochtone Albillo Real, le plus souvent cultivés en bio, sont généralement vinifiés sans ajout de levures en grands fûts de chêne et en jarres de terre cuite appelées ici « tinajas ». Les villages de El Tiemblo, El Barraco, Cebreros se partagent entre champs et forêts, sur des sols assez escarpés composé de granit/schiste/ardoise/sable, et avec un climat continental chaud à une altitude de 650 à 1 300 m. Les vins sont généralement soumis à la législation des vins des Castille et Leon bien que l’aire de Gredos s’étend sur trois provinces : Ávila (tous sous l’étiquette Vins de Castille et Leon), Madrid (D.O. Viños de Madrid), Toledo (D.O. Méntrida).
La vallée d’Alberche qui traverse la région est dominée par des sables granitiques et sa partie ouest est la plus soumise à l’influence de l’altitude, des variations journalières et bénéficie d’une certaine protection contre les pluies arrivant du sud ou du nord. Il y a des sols de schistes à El Tiemblo, Cebreros et El Almendral bien que moins sombres que dans le Douro, plus roux par la présence de fer, de feldspath et de granit jaune et brun.
Le Garnacha ici est différent de celui du sud de la France et du sud-est de l’Australie ; il est plus acide et tannique par sa plus haute altitude et ses sols granitiques pauvres en nutriments. Divers clones de Garnacha existent dans cette région rustique des Gredos comme c’est le cas dans d’autres régions. Les vendanges sont faites de fin septembre à la 3e semaine d’octobre – avec quelques variations selon les millésimes – bien que la prédominance de vieilles vignes limite le problème comparé à d’autres vignobles.
Pour l’élevage de ces vins, il n’est pas question de favoriser le fruit au détriment des tanins mais de réussir à obtenir des arômes tertiaires de sous-bois et de plantes forestières au bout de cinq ans. Les altitudes plus élevées et les expositions nord, comme à El Tiemblo et Peña Caballera, sont parfaites pour le Garnacha.
Une appellation auto-proclamée de ‘Garnacha de Gredos’ stipule que le Garnacha et l’Albillo doivent être cultivés en bio, avec désherbage par labour, l’usage du cheval quand c’est possible et la restauration des nutriments des sols. Le producteur Fabio Bartolomei dit qu’à « cause des cépages, des montagnes, des sols, nous détenons un trésor méconnu dans une région encore à découvrir. Même les producteurs locaux qui font du vin doux à 17 % n’ont pas connaissance de ce potentiel. » Et il continue en racontant le lien qui existe d’hier à aujourd’hui entre la reconstruction de la coopérative d’El Tiemblo qu’il partage avec un vigneron connu Daniel Ramos au tragique présent de cette région. « La filière du vin en vrac est en train de disparaître. Avec le retour à la prospérité, les gens s’intéressent aux bons vins avec une notion de terroir, et ceux-là sont concurrencés par des vins moins chers et des vins de table plus faciles à boire. » Les personnalités les plus connues de la région sont Jiménez et Landi ainsi que Telmo Rodriguez et sa marque Pegaso.
David Furer
Retrouvez les portraits de vignerons de la région sur le site www.sommeliers-international.com