Les jardins secrets du sommelier Paris
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Parisien de la banlieue (Gennevilliers) élevé à Orléans, Antoine Pétrus a déjà une vie bien remplie, c’est le moins que l’on puisse dire. Et au moins un ouvrage à lui : « Le vin décrypté », (Edition Solar). Voyons son parcours : un B.T.S. en cuisine et arts de la table au lycée d’hôtellerie et de tourisme à Blois, un passage de commis chez Cédric Place à “L’Espace Canal” d’Orléans, un poste de sommelier chez Paul Bocuse puis de chef sommelier à L’Étrier (Hôtel Royal Barrière à Deauville), un passage chez Lasserre à Paris, une virée en Catalogne chez le singulier Ferran Adria et son El Bulli… tout cela avant de rejoindre l’Hôtel de Crillon en janvier 2007. Excusez du peu !Ce n’est pas fini : lors de notre entretien dans la pièce tout en aluminium qui lui sert d’office, pièce qu’il partage avec son aîné David Biraud, chef sommelier aux Ambassadeurs depuis 16 ans et lui-même vainqueur du Ruinart en 1998, Antoine annonce qu’il prépare les demi-finales de Meilleur Sommelier de France. Il ne le précise pas - « Je ne veux pas devenir un sommelier-concours », mais on devine aisément qu’il briguera un jour le titre mondial. Quoiqu’il advienne, il en a la trempe.
Sans doute tient-il de son passage au lycée de Blois la passion qui l’habite aujourd’hui ? « Au début, je voulais me spécialiser dans la réception hôtelière, mais j’ai eu la chance d’avoir des professeurs fascinants, François Montigny, Gildas L’Hostis et Christophe Martin, qui organisaient des cours académiques suivis de dégustations. Je me souviens encore de grands crus de la Côte d’Or qui m’avaient subjugué ! » Chez ses parents et grands-parents, le vin était toujours présent à table où l’on servait volontiers les crus du Beaujolais grâce à quelques attaches familiales du côté de Régnié. Après son bac, il rêvait déjà de travailler avec Philippe Faure-Brac et David Biraud. « J’avais pu les observer déguster ensemble à l’aveugle et leur aptitude à pouvoir mettre des mots sur chaque sensation m’intriguait. J’admirais leur précision et la manière qu’ils avaient de raconter le vin. Ils utilisaient un vocabulaire simple, précis, direct. Depuis, je sais que le vin ce n’est que du plaisir. Il ne faut surtout pas le sacraliser ou le rendre trop technique ». Sorti major de sa promo, Antoine Pétrus avoue qu’il n’a pas trop « bossé ». En revanche, il a dévoré tout ce qu’il trouvait, de la Revue du Vin de France au Rouge et Blanc en passant par un tas d’ouvrages savants. « Aujourd’hui, insiste-t-il, j’ai la chance d’être aux côtés de David Biraud. Nous ne travaillons pas le dimanche ni le lundi et nous nous partageons la salle (45 couverts le soir) le reste de la semaine en parfaite entente. Je dois dire qu’avec l’office de sommellerie dont nous disposons où tout est centralisé, les vins sont à température. Ainsi, nous gagnons beaucoup de temps et pouvons consacrer plus de moments avec le client. Moi, j’aime celui qui nous fait confiance et qui nous fait parler, même s’il ne dépense pas une fortune et se contente de verres à 10 € ou de bouteilles à 30 €.
Tous les soirs, avant le service, on se prend un peu de temps avec David pour déguster à l’aveugle et de manière collégiale. Le chef, Jean-François Piège, nous rejoint parfois. Il a une forte relation avec la nature et les produits de la terre. Il avoue un penchant pour la Côte Rôtie et l’Hermitage ».
Pour se maintenir en forme, Antoine, qui a dix années de judo derrière lui, fréquente volontiers les salles de sports et fait du footing dans Paris. Quand le travail est terminé, il jouit pleinement du privilège qu’il a d’habiter le 8ème arrondissement. « Je ne suis pas amateur de soirées télé, alors je vais faire un tour à l’Aubrac, où la carte des vins est exceptionnelle et où je retrouve mes collègues dans une ambiance décontractée. Je dois dire que c’est encore plus agréable depuis l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Sinon, je ne refuse jamais un bon cigare, mais toujours en plein air, lorsque je suis en vacances, à Barcelone, par exemple, ou à la terrasse de mes amis d’El Bulli ». Pudique, il parle peu de sa compagne qui l’a fait bûcher tous les dimanches et tous les soirs en préparation de ses concours. Il avoue résister aux sollicitations des grandes surfaces, ne souhaitant pas galvauder la noblesse de son métier. Pour conclure l’entretien, il a une belle formule qui le résume à merveille : « Je profite de ma jeunesse pour aller le plus loin possible afin de pouvoir transmettre aux jeunes plus tard ».
Michel SmithAntoine Pétrus vainqueur du Trophée Ruinart du Meilleur Jeune Sommelier de France 2007 félicité par Jean-Pierre Steinsulz, directeur commercial de la maison Ruinart (à gauche) et Serge Dubs, président de l’Union de la sommellerie française (à droite).
Pour 4 personnes :
• 4 pièces d’œufs de poule fermière
• 10 g de truffe noire
• 5 g de ciboulette ciselée
• 1 jus de citron
• sel fin
• poivre du moulin
• huile de ciboulette
La galette de truffe :
• 120 g de truffe fraîche
• fleur de sel
• poivre du moulin
• beurre clarifié
Coulis de truffe :
• 4,5 dl de jus de volaille
• 2 cl de jus de truffe
• huile de truffe
• 2 cl de Madère
• 2 cl de Porto
• 1 brindille de thym
• 2 gousses d’ail
• 2 gousses d’échalote
• 110 g de purée de truffe
• 500 g de parures de volaille
(restaurant “Les Ambassadeurs” de l’Hôtel de Crillon)
« Lorsque l’on mange un œuf, dit le chef Jean-François Piège,
on commence toujours par le jaune car on pense à juste titre que c’est le meilleur.
Dans ce plat que je mets à la carte de janvier à mars chaque année depuis mon arrivée
en 2004, j’ai voulu que l’œuf forme un tout au travers d’une émulsion riche en saveur
coiffée de lamelles de truffe noire ».
Le blanc à manger :
Clarifier les œufs et réserver les jaunes individuellement. Dans une cuve de petit batteur, monter les blancs d’œufs en neige avec du sel fin, assaisonner de jus de citron, de poivre du moulin, de truffe hachée et de ciboulette ciselée. Chemiser chaque cercle de blancs en formant un puits. Déposer au centre un jaune d’œuf. Lisser avec le restant des blancs montés. Cuire dans un four vif, à 120°c, pendant quatre minutes. Retirer du four et laisser reposer pendant une minute.
Les galettes :
Nettoyer les truffes sous l'eau froide courante à l'aide d'une brosse à ongles. Les essuyer et les éplucher avec un couteau à lame fine (garder les parures pour une autre préparation).
Couper 72 lamelles de truffe de 1 mm d'épaisseur à l'aide d'une mandoline, puis retailler ces lamelles avec un emporte-pièce de 3,2 cm de diamètre. Frotter quatre disques de papier sulfurisé avec la gousse d'ail coupée en deux. Poser les disques de papier sulfurisé sur des plaques rondes en Inox. Disposer au centre de chacun d'eux une rondelle de truffe et monter une rosace de 8 lamelles de truffe dans le sens des aiguilles d'une montre en ayant tremper chaque extrémités dans du beurre clarifié de façon a les coller, puis recouvrir le tout de disques de papier sulfurisé et de quatre autres plaques rondes. Réserver au froid.
Le coulis :
Dans une cocotte de fonte rôtir les parures de volaille, ajouter les échalotes, les gousses d’ail et la brindille de thym. Déglacer au madère et au porto, puis réduire à glace. Ajouter le jus de volaille, amener à consistance puis passer au chinois étamine.
Lier le jus de purée de truffe. Parfumer avec le jus et l’huile de truffe. Rectifier l’assaisonnement.
Finition et présentation :
Disposer l’œuf démoulé dans une assiette, recouvrir d’une rosace de truffe noire et de fleur de sel et un tour de moulin à poivre. Saucer d’huile de ciboulette et de coulis de truffe. Envoyer le reste de coulis de truffe en cassolette.
« À mon avis, on oublie souvent que le vin blanc est un compagnon idéal pour la truffe, surtout en entrée. Je propose en général un vin assez mûr afin que la rondeur puisse épouser le côté sensuel de la truffe. Un grand cru de Champagne servi pas trop glacé dans une flûte me semble évident, surtout dans un cadre comme le nôtre où le repas est une fête. Je pense à l’Extra Brut Version Originale de Jacques Selosse élaboré par Anselme Selosse qui vinifie des vins très représentatifs d’Avize et de la Côte des Blancs. Mais on peut aussi proposer sa cuvée Initiale qui est une sorte de synthèse de plusieurs terroirs. Si l’on souhaite un mariage encore plus proche de la truffe, il faut se diriger vers son terroir d’origine qui est le plus souvent la Drôme, le Vaucluse et le Gard. Les Châteauneuf-du-Pape blancs font merveille avec la « rabasse », le nom local de la melanosporum (truffe noire), surtout lorsqu’elle est associée à l’œuf. Le Clos des Papes 1998 de Paul Avril me semble tout indiqué. En remontant la Vallée du Rhône, on peut aussi proposer l’Hermitage blanc 1999 de Jean-Louis Chave, si l’on a la chance d’en avoir… Sinon, j’ai un mariage iconoclaste, un mariage de cœur pour ceux qui n’ont pas peur d’aller hors des sentiers battus : le Saumur blanc Brezé 2000 du Clos Rougeard, un chenin d’une pureté lyrique vinifié par les Frères Foucault plus connus pour leurs rouges de Saumur-Champigny ».
Hôtel de Crillon
Restaurant Les Ambassadeurs
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