Avec son eau douce extrêmement pure, sa terre fertile et son climat tempéré,
Hiroshima produit parmi les sakés les plus convoités au monde. Mais face à la baisse
de la consommation locale, les brasseurs tentent de séduire de nouveaux consommateurs
à l’international.
Reposant sur une multitude de savoureux paradoxes, la culture japonaise fascine autant qu’elle interpelle. Tiraillé entre préservation d’un artisanat millénaire et utilisation de technologies de pointe, le monde du saké ne fait pas exception, et il suffit de se pencher sur les pratiques de différents brasseurs pour réaliser à quel point le « vin de riz » japonais demande à l’amateur français de revoir en intégralité sa grille de lecture : utilisation de variétés anciennes de riz pour la brasserie Yamaoka, mais utilisation de levures exogènes ; acide lactique naturel pour la brasserie Fujii, mais recours à la pasteurisation pour certaines de ses cuvées ; retour au matériel d’antan pour la brasserie Bajo, assorti à un polissage extrême… De quoi faire perdre son latin à tout dégustateur non-initié, tant ce ballottement entre tradition et modernité échappe à toute tentative de rationalisation.
Toutefois, c’est aussi cette part de mystère qui ajoute un supplément d’âme aux sakés d’Hiroshima, reconnaissables entre tous par leur éclat, leur complexité aromatique, et des possibilités d’accords quasi infinies, y compris sur des plats-monuments de la gastronomie française. Autant d’atouts qui les rendent éminemment désirables aux yeux de la sommellerie française, avec en parallèle le développement de grandes cuvées de garde – de 5 à 50 ans – dont le profil n’est pas sans rappeler celui de nos plus nobles spiritueux hexagonaux. Un marché de niche, certes, mais à surveiller de près, et une vraie valeur ajoutée pour ceux qui sauront le décrypter.
Alicia Dorey