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Dégustation Sommeliers International à l’hôtel de ville de Reims

3/12/2024

Le champagne n’a pas perdu de sa superbe. Malgré les échos sur l’éclatement de la bulle, à la suite des expéditions plus petites en 2023 et aux ventes diminuées en début d’année 2024, il s’agit probablement ici d’un retour post-boom, plus que d’une crise. La preuve vient aussi de l’intérêt croissant des sommeliers pour le champagne en tant que vin, propulseur d’accords inattendus et apporteur de joie à table à toute occasion, sans attendre le moment spécial.

Dans ce contexte, la traditionnelle Dégustation SommelierS International est aussi le moment de faire le point avec collègues sommeliers et amis producteurs ou chefs de caves, au rythme des saisons marquantes : entre moments des fêtes qui approchent pour les uns, temps des vendanges pour les autres.
 

Parrainée cette année par Fabrice Sommier, MOF et président de l’UDSF, et Francesco Cosci, Meilleur Sommelier d’Italie, cet événement prestige met en lumière les courants champenois de l’année. Passons donc au-delà des sirènes et dévoilons le meilleur.

Si nul n’est champagne que la Champagne, si la région est fixée par ses canons stricts de l’appellation, le champagne reste un produit en plein mouvement, au cœur de l’innovation et ouvert sur un avenir lumineux. C’est cela qui tient la profession en mouvement, les amateurs dans l’enthousiasme et les professionnels toujours à la recherche.

Premier constat, il n’y a plus de place pour la médiocrité. Les montées des tarifs durant le Covid se sont forgées non seulement sur fond de crise, pénurie (de main d’œuvre ou de consommables) ou spéculation. Elles s’expliquent aussi par la recherche et le repositionnement, l’innovation et la remise en question perpétuelle. De ce fait, même les petits producteurs se tiennent à jour et évoluent, car la montée en gamme oblige. Il y a comme un désir de premiumisation à tous les niveaux.

Les Champenois deviennent plus aventureux quant aux expérimentations et modes d’élevage. Exit la tendance de foncer seulement sur le bois, de même que le retour en arrière sur des vins à patine oxydative. Les modes de fermentation et élevage des vins de base se diversifient. Quant au fût/foudre on pense plutôt en termes de bois de vinification qui ne marque que peu et n’oxyde guerre, tel le cas des champagnes Gounel Lassalle ou  Lombard. D’autres se montrent plus bourguignons dans l’approche, à l’image des nouvelles cuvées de Sophie Cossy ou Frerejean Frères. D’autres travaillent la complexité par des vins de réserve plus variés ou l’intégration de la RP (réserve particulière). Cela peut très bien être une cuve comme la fameuse Cuve 38 d’Henriot.

Avec une agronomie plus pointue, les maisons et les producteurs s’offrent non seulement une base de travail plus qualitative, même en millésimes plus exigeants comme 2017, 2021 ou plus récemment 2023-2024, mais aussi plus de marge à côtoyer une viticulture plus verte, plus propre : HVE, VDC, biologique/ biodynamie. Les vins de réserve plus innovants leur permettent aussi de prendre ces paris, comme chez Henriot. Le packaging suit la tendance et devient plus épuré, plus vert.

L’offre variétale s’élargit. Non seulement nous voyions d’avantage de meunier sur les étiquettes, mais aussi des cépages patrimoniaux : prenez le fromenteau Trop m’en faut ! chez Drappier ou le Pinot Blanc chez Colette Bonnet.
 

Avec les derniers millésimes 2018, 2019 et 2020, la recherche de fraîcheur aromatique ne passe plus seulement par la baisse des dosages mais aussi par une complexification des assemblages, introduction des propositions de vins sous bois, cépages différents... Les autolyses old school se font plus rares dans un désir de transparence des vins afin de préserver la vibrance.

Quant aux têtes de cuvées, nous sommes en ce moment entre le grand millésime 2013 – Comtes de Champagne, Amours de Deutz, Rare, Grande Année de Madame, Lalou, avec pour certains une bascule sur 2015 – millésime d’audace où il fallait cerner parfaitement le point de vendange et éviter son petit marqueur végétal : La Grande Dame 2015. Quelque rares 2014 donnent un aperçu surprenant de ce millésime sur lequel on est passé un peu à côté : Perrier Jouet Belle Époque ou William Deutz. Pour les producteurs, il est plus facile à proposer des vins prestiges sur des années plus récentes. Je pense en particulier à la gamme d’Alexandre Bonnet. Quant au Brut Sans Année et Non Vintage, nous sommes sur des bases qui tournent entre 2017/2018-2020 en général.

On ne peut pas parler courants sans évoquer les partenaires Coravin Sparkling, spécial champagne, mais aussi la verrerie Lehmann, toujours dans la recherche pour mettre en valeur la bulle gustative, celle qui fait le bonheur des accords mets – verres - champagne. Pour cela rien de mieux que le traditionnel repas dans la majestueuse salle de la mairie de Reims.

A l’année prochaine !

Bruno Scavo  / Photos : Michel Jolyot
 

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