Pour Erick de Sousa, le patriarche de la maison de Sousa, le métier de vigneron est bien plus qu’une profession. C’est une vocation, un engagement sacerdotal. Ses vins reflètent cette passion.
Il accueille Arvid Rosengren et SommelierS International dans son chai où trône son « œuf », magnifique foudre de forme ovoïde où il élève les vins de sa cuvée « 3A ». L’objet n’est pas un simple contenant, c’est une œuvre d’art réalisée par quatre Meilleurs Ouvriers de France. Les douelles sont tenues par un cercle interne, invisible de l’extérieur comme de l’intérieur. Une prouesse technique et le symbole de l’approche holistique de la maison. Car Erick de Sousa travaille en biodynamie depuis plus de vingt ans. « Pour rendre à la terre ce qu’elle m’a apporté, dit-il, car sans la terre de Champagne, ce domaine n’existerait pas. »
Les Champagnes de Sousa sont donc élaborés sans aucun produit de synthèse, ni traitement chimique, au rythme du calendrier lunaire, et avec les préparations propres à la « dynamisation ». Cette approche se poursuit dans le chai, où des enceintes diffusent du Mozart. « Les vibrations agissent favorablement sur les levures pendant les fermentations, explique Erick de Sousa, et les études ont démontré que de toutes les musiques, celle de Mozart apportait les meilleurs résultats. C’est aussi plus agréable pour nous de travailler en écoutant du Mozart. »
« De Sousa est une entreprise familiale, poursuit-il, notre but est de faire des vins authentiques, des vins qui transmettent des émotions. Avec la minéralité du sous-sol champenois, de la longueur et de la profondeur en bouche… Nous produisons près d’une dizaine de cuvées, notamment la gamme Caudalies, la Cuvée 3A, la Cuvée Umami et la Cuvée Mycorhize, ainsi qu’un Rosé de Saignée. Et nous allons toutes les déguster. »
Après une petite mise en bouche, Erick dévoile la cuvée Umami 2009. « Umami est né après un voyage au Japon, où j’ai personnellement découvert cette fameuse cinquième saveur, raconte-t-il. Dès lors j’ai cherché à la reproduire dans un Champagne. Umami n’est donc pas une expression de terroir, mais vraiment un style de Champagne. Il demande une année chaude, des raisins très mûrs, des vins clairs ronds et une fermentation en tonneau avec bâtonnage et fermentation malolactique pour augmenter son côté onctueux et savoureux. »
Pour souligner le contraste Erick présente ensuite la cuvée Mycorhize. Le nom décrit les micro-champignons qui vivent en symbiose avec les racines de la vigne. Plus le sol « vit », plus les mycorhizes sont nombreuses, plus la vigne est saine et les raisins goûteux ! La cuvée est issue de parcelles de Chardonnay Grand Cru cultivées en biodynamie depuis 1999 et labourées au cheval. « Mycorhize est tout le contraire d’Umami, c’est l’expression la plus pure de vieilles vignes d’Avize, explique Erick. Cette cuvée demande au vigneron de s’effacer. » Arvid Rosengren s’avoue impressionné par le résultat. Il juge le vin « fantastique, supérieur à tout le reste ». Il apprécie « la démarche axée sur le terroir » mais il est subjugué par le résultat : « le vin est magnifique, à la fois délicat au nez et intense en bouche, avec une finale complexe et une tension sur la craie. »
La cuvée 3A est un assemblage 50 % Pinot Noir et 50 % Chardonnay à partir des trois grands crus dont le nom commence par un « A » : Ambonnay et Ay pour le Pinot, Avize pour le Chardonnay. Le dosage est en extra-brut mais le vin reste très brioché.
Eric ouvre ensuite une cuvée des Caudalies Grand Cru 2008 qu’il décide de décanter, parce que « 2008 est un des meilleurs millésimes des trente dernières années, avec 2002 et 1988, » dit-il. La gamme des Caudalies est née en 1995 de la volonté d’Erick d’avoir une cuvée prestige. « Le nom choisi illustrait notre volonté de favoriser la longueur en bouche. » Depuis, les vins de réserve destinés à la cuvée des Caudalies sont mis dans une réserve perpétuelle, qui contient tous les millésimes depuis 1995. Il s’agit d’un 100 % Chardonnay, issu de vieilles vignes, vinifié et élevé dix mois en fûts de chêne avec bâtonnage des lies et dégorgé en 2015. Arvid Rosengren est conquis par le vin et avoue « être à court de mots pour traduire de façon satisfaisante toute le richesse et la complexité du vin, qui est très homogène et très difficile à décomposer. Il s’est révélé au décantage et il a encore du temps devant lui. »
Pour clore la dégustation, Erick présente son Rosé de Saignée 2013 dosé à 7 gr et édité à seulement 700 bouteilles. La robe est fuchsia et le nez fauve mais après oxygénation les fruits se libèrent. Arvid trouve le vin « très intéressant ». « A la robe, dit-il, on l’imagine presque sucré, mais en fait il a le goût d’un Pinot Noir avec des bulles, presque un Bourgogne rouge. »
Quand on l’interroge sur son impression d’ensemble, Arvid sourit : « Il y a tant de cuvées différentes qu’il est difficile de dégager une seule impression, ou même de parler d’un style maison, mais la dégustation a révélé des vins très originaux et très intéressants. Définitivement de qualité. »
Gérald Olivier