Un mince tapis de brume enveloppe la propriété lorsque nous nous présentons avec le Meilleur Sommelier du Monde Paolo Basso devant les grilles du Château d’Agassac. Rien en somme n’augurait d’une dégustation à venir qui serait quant à elle placée sous le signe de la lumière. Le directeur d’exploitation Jean-Luc Zell nous reçoit chez lui, c’est à dire dans ses vignes. Il semble qu’il faille distinguer les gens du vin qui commencent leur visite par la vigne, de ceux qui vous entraînent ex abrupto dans les chais.
Le terroir d'Agassac, de 43 hectares, est situé dans la partie méridionale de Ludon-Médoc, et s’étend sur deux croupes graveleuses issues de la 4e et 5e terrasse du Médoc, celles-là mêmes qui portent un grand nombre de crus classés. Le vignoble fut totalement retravaillé en 1958, puis en 1997, date à partir de laquelle on restructura totalement le vignoble (drainage, rehausse du feuillage, adaptation des cépages et porte-greffes aux terroirs, reprise de la taille, remise en culture de la vigne…) et on renouvela régulièrement les vignes pour atteindre aujourd’hui un âge moyen de 30 ans avec une majorité de cabernet sauvignon. Ces travaux d’Hercule s’achèveront en 2030. « On fait un métier où le temps est important. Celui qui n’a pas compris ça ne peut exercer ce métier. »
Il lui a en effet fallu du temps à Jean-Luc Zell pour comprendre le terroir, pour que son vin en ait un jour le goût. Conscient de l’importance de la connaissance de son terroir, il a entrepris seul des études pédologiques il y a de cela plus de 20 ans, confirmées par le récent travail réalisé par Pierre Becheler en 2018. Le vin d’Agassac est issu de différentes terrasses graveleuses, et les techniques mises en œuvre ont toutes vocation à réguler la puissance des cabernets sauvignons et réaliser des merlots équilibrés, ramassés sur le fruit et peu alcooleux. La connaissance précise de ce terroir l’amène tout naturellement vers des sélections parcellaires, des sélections qui ne se font pas dans le chai mais d’abord au vignoble. Ici, une attention toute particulière est apportée à la qualité des extractions réalisées afin de piloter l’obtention de vins identitaires où l’équilibre, la fraîcheur, la puissance maîtrisée et la finesse s’expriment. Une étonnante dégustation verticale, qui s’étendra du millésime 2000 au 2016, allait révéler des cabernets sauvignons puissants et fins désormais bien au cœur du dispositif des assemblages d’Agassac. D’ailleurs Jean-Luc Zell indique vouloir élaborer des vins pour la gastronomie. Cette dégustation solaire ne le démentira pas.
Henry Clemens
Château d’Agassac 2010, Haut Médoc
Rubis foncé reflets grenat. Très dense. Nez encore retenu par la jeunesse. Légers arômes de cassis, de mûres, de réglisse, de bois de chêne en train de sécher. Une entrée en bouche exceptionnelle, puissant et volumineux, tout en ayant de la minéralité. Dense et expressif avec une profondeur remarquable. Tanins qui accrochent toujours par leur jeunesse et une acidité élevée qui relève le tout. Le millésime exceptionnel révélé. Garde : 2035-40.
Château d’Agassac 2016, Haut Médoc
Rubis foncé reflets violacés. Très dense. Un autre registre : un vin qui doit encore se faire. Au nez, la réglisse, les baies des bois jeunes et fraîches, un fruité très présent avec vigueur, le toasté. En bouche, riche et dense, profond, très savoureux, expressif, des tanins vigoureux mais de grande qualité, une finale longue et savoureuse avec une belle acidité. Un très grand vin. Garde : 2025-2040.