Dans la douceur d’un début d’automne, Arvid Rosengren est donc entré dans l’histoire de la sommellerie européenne. Demi-finaliste de cette même épreuve trois ans plus tôt à Strasbourg, remarqué au même niveau au dernier mondial au Japon, ce jeune professionnel a imposé sa maîtrise, ses connaissances et son style sur la scène du Casino de San Remo.
À quelques mètres de là, dans une salle à l’écart du chant des machines à sous, tout avait commencé deux jours plus tôt. Exception faite de l’Albanie dont le candidat était absent, les 36 autres pays engagés étaient bien représentés à l’heure de la première épreuve.
Du classique, sous la forme d’un questionnaire sur lequel il ne fallait pas traîner puisque les compétiteurs n’avaient qu’une heure devant eux. Deux vins, un blanc et un rouge, à déguster et à commenter et trois spiritueux à identifier complétaient le programme matinal, alors que l’après-midi se résumait à une épreuve pratique: carafer et servir un vin à deux clients gênés par la température un peu élevée, histoire d’étudier la réaction du candidat.
Le jury en savait alors assez pour établir un classement et retenir les dix premiers pour la demi-finale du lendemain.
Dix noms qui furent dévoilés à l’issue de la remise du prix Emozioni à Paul Brunet, pour les sommeliers, et à l’Irlandais Andrew O’Gorman, dans la catégorie journaliste. Les Français étaient présents en nombre. Avec David Biraud, bien entendu, mais aussi Julie Dupouy (Irlande), Rodolphe Chevalier (Luxembourg) et Éric Zwiebel (Royaume-Uni).
Les six autres étaient Julia Scavo (Roumanie), le finaliste du mondial Aristide Spies (Belgique), Christian Thorsholt Jacobsen (Danemark), Matteo Ghiringhelli (Italie), Francesco Azzarone (Norvège) et Jon Arvid Rosengren (Suède).
Un plateau relevé de professionnels confrontés, là encore, à du très traditionnel: deux vins servis frais, un rosé (Tres Obispos 2012, Espagne) et un rouge (Golden Triangle Shiraz 2009, Afrique du Sud), pour une dégustation commentée qui devait se terminer par une identification du produit et de son pays d’origine. Trois spiritueux étaient à reconnaître: Gammel Dansk Bitter Dram (Danemark), Vieille Eau-de-Vie de Prunes d’Ente (France), Tequila 1921 (Mexique).
Puis, dans une autre salle, un exercice de gestion du stock précédait le service d’un verre de vin blanc (bouchonné) à une cliente et d’une bouteille de vin rouge à son compagnon de table. Dans le même décor, les candidats procédaient ensuite à un accord mets et vin: un verre de saké et deux morceaux de fromage (parmesan et mozzarella). À chacun de faire un choix et de le justifier…
Et comme à Tokyo, en avril dernier, une sommelière s’est hissée en finale et en a pris la troisième place. Portant les couleurs de la Roumanie mais venue en voisine de Nice où elle travaille à L’Âne rouge, Julia Scavo a maîtrisé son stress pour parfaitement relever le défi. Figurant au cinquième rang du mondial, l’ancienne enseignante a confirmé l’étendue de ses talents et de ses progrès. Son tempérament combatif fait qu’elle sera présente lors du rendez-vous argentin, en 2016.
Pour le dernier jour de compétition, trois seulement allaient se retrouver face au public et découvrir une suite d’épreuves faisant appel à la palette des connaissances théoriques et pratiques d’un professionnel du vin en restauration.
David Biraud, lui, avait connu un vrai passage à vide au Japon, alors qu’il figurait parmi la short-list des favoris. Un échec dont il avait tourné la page. Il voulait redevenir le sommelier pur et dur qu’il est au quotidien dans la salle du restaurant gastronomique du Mandarin Oriental Paris. Un choix qui a porté ses fruits. Détendu, à l’aise, même, au point de faire oublier par son attitude qu’il disputait la finale d’un concours, le Vendéen a malheureusement buté sur l’épreuve de dégustation. Là où, justement, son adversaire suédois a fait la différence…
Le Français était donc légitimement déçu. Pourtant, son retour au tout premier plan avec la seconde place, comme en 2010, doit pouvoir lui donner l’envie de poursuivre l’aventure des grands concours jusqu’en 2016.
Quant au vainqueur… il a déjà pris rendez-vous en Argentine!
Jean Bernard