Dans ce pays où la culture de la vigne date de 8000 ans, les délégués de 37 pays ont dressé le bilan d’une première année de mandat du président Andres Rosberg, abordé les objectifs à atteindre et évoqué les grands rendez-vous à venir. Le tout avant de découvrir la diversité viticole du pays et son patrimoine.
Un an après son élection à la présidence de l’Association de la Sommellerie Internationale, l’Argentin Andres Rosberg a vécu sa première assemblée générale. C’était le 18 juin dernier à Tbilissi, la capitale de la Géorgie. Les délégués de 37 pays et les membres des différentes commissions étaient réunis pour aborder les différents points d’un ordre du jour très chargé.
Tout a commencé par l’accueil de deux nouveaux pays observateurs. Présidente des sommeliers de Nouvelle-Zélande, Celia Hay a évoqué les premiers pas de son association avec le lancement d’un concours national en 2014, la participation d’un candidat au dernier mondial, des actions en termes de formation et la volonté de fédérer les professionnels du vin issus des différentes régions de production.
Au nom des Philippines, Charmaine Wang, directrice de l’association nationale, a fait de la constitution d’une formation spécialisée sa priorité dans le pays. Ce qui n’a pas empêché l’organisation de deux concours nationaux en 2017 et 2018 avec la participation de plus de vingt candidats à chaque fois.
Deux pays dont la candidature a été validée par la commission des statuts qui accueillait pour la dernière fois le monégasque Jean Pallanca.
D’autres pays frappent à la porte de l’ASI : Paraguay, Arménie, Kazakhstan, Inde, Azerbaïdjan, Biélorussie, Madagascar et Zimbabwe se structurent à l’intérieur de leurs frontières afin de bien préparer leur entrée sur la scène internationale.
Andres Rosberg avait fait de la communication l’axe essentiel de son programme. Un an plus tard, chiffres à l’appui, les acteurs clés de cette commission qui associe également le marketing ont souligné les progrès réalisés en la matière. Et cette volonté d’élargir l’auditoire par une visibilité accrue s’oriente autour de deux zones : les États-Unis d’Amérique et l’Asie.
Le soin apporté aux partenaires est également essentiel alors que l’année 2017 a été marquée par l’arrêt de certains partenariats à l’image de Moët & Chandon ou Nespresso. En revanche d’autres vont se concrétiser en 2018. C’est notamment le cas de Ligne W & Château Laguiole, Ningxia wines, Trapiche ou encore Wines of Argentina. Quant au magazine SommelierS International, il demeure d’une fidélité sans faille ainsi qu’a pu le souligner Eric Allouche lors de son intervention.
Des partenaires que le président a séduit en évoquant les atouts de l’ASI. A commencer par presque cinquante ans d’histoire, un développement vers de nouveaux pays, la qualité des compétitions organisées, un management professionnel et une démarche plus contemporaine. « Nous devons être plus entendus et c’est déjà le cas avec les très bons résultats enregistrés en matière de communication sur les médias sociaux. A nous également de repenser l’examen de certification et de promouvoir le nouveau comité didactique placé sous la responsabilité de Sören Polonius. Il est essentiel également de rendre encore plus professionnel le comité technique et enfin d’associer à nos assemblées générales des événements pédagogiques sous la forme de dégustations et de master-class. »
Enfin, s’inspirant de l’approche qui anime les pays baltes ou scandinaves, le président Rosberg a incité les associations nationales à travailler ensemble.
Alors que la page du 5e concours ASI du Meilleur Sommelier des Amériques venait tout juste d’être tournée, les délégués se sont un peu plus encore tournés vers l’avenir afin d’aborder les grands rendez-vous qui vont baliser l’actualité de l’Association au cours des prochaines années. Mais avant cela, 2018 s’achèvera avec le concours Asie-Océanie organisé à Kyoto, au Japon.
L’association nippone représentée à Tbilissi par Saiko Tamura ne sollicitera aucune aide financière de la part de l’ASI pour l’accueil des candidats et de leurs accompagnateurs attendus le 15 octobre. Aux onze pays déjà inscrits s’ajoutera le Kazakhstan, ce qui portera à 24 le nombre de prétendants à la succession du Japonais Hiroshi Ishida. La finale se déroulera le 18 octobre dans l’après-midi.
A noter que le vainqueur de cette épreuve continentale, comme c’est le cas pour la Lettonie (Europe-Afrique) et Canada (Amériques), offrira une deuxième place à son pays pour le concours Mondial qui se déroulera du 10 au 15 mars 2019 à Anvers, en Belgique. Un rendez-vous, cinquante ans après la toute première épreuve internationale, dont William Wouters dévoilera tous les contours le 18 septembre prochain, lors d’une conférence de presse. Mais il est déjà acquis que la finale se disputera dans une salle de spectacle capable d’accueillir 2000 spectateurs.
Au mois de novembre 2020, le décor prendra une tout autre dimension sur l’île de Chypre. En effet, George Kassianos, le président de l’association nationale, a bon espoir de présenter la finale du prochain concours ASI du Meilleur Sommelier d’Europe dans le cadre d’un théâtre antique à ciel ouvert.
Enfin dans trois ans, il sera temps de disputer une nouvelle édition des concours des Amériques et Asie-Océanie. Si le Mexique a manifesté de l’intérêt, il faudra sans doute attendre encore un peu pour que cette candidature soit validée. Quant à l’Australie, son invitation a été acceptée sans restriction par l’assemblée.
La prochaine assemblée générale qui pourrait fort bien réunir pour la première fois les représentants de plus de soixante pays se tiendra à Paris le 12 novembre. Idée émise par Philippe Faure-Brac, cette réunion annuelle avec les cérémonies du cinquantième anniversaire de l’ASI a été validée. Le dimanche 2 juin 2019, le tour d’horizon de l’actualité de la sommellerie internationale sera effectué à Paris. Le soir même, l’UDSF soufflera aussi ses cinquante bougies.
Le lendemain direction la Champagne où tour à tour Reims puis Epernay accueilleront les délégations pour deux jours très animés et festifs. Car il est essentiel pour tous que l’Association n’oublie ni son histoire ni la richesse de son passé. Un vrai patrimoine !
Le décor sera sans doute très différent pour l’assemblée 2020. En effet, si la Finlande a manifesté la volonté d’être une terre d’accueil, l’arrivée d’un premier partenaire chinois inciterait plutôt à opter pour l’empire du milieu. Une destination qui pourrait s’accompagner de la découverte de l’une des grandes régions viticoles du pays.
Promu à la tête de la commission didactique mise en place au sein de l’ASI, le Suédois Sören Polonius sera entouré par une équipe très internationale. Plusieurs missions lui seront allouées et parmi celles-ci on peut noter le soutien apporté aux sommeliers pour élargir leurs connaissances dans d’autres domaines que le vin, on pense ainsi à la bière, au saké et à d’autres boissons.
Cette commission aura également pour but de s’impliquer dans le cadre des concours afin de simplifier le travail des membres du jury, de favoriser l’impartialité et la transparence et d’éviter la subjectivité dans la notation.
Et les concours, l’ancien candidat du mondial 2010 les connaît bien. Voilà des années qu’il les analyse méthodiquement afin de mettre en place une stratégie d’entraînement destinée aux candidats de son pays. Un savoir-faire reconnu qui lui a valu d’animer une master-classe en marge de l’assemblée de l’ASI.
Il a livré quelques-uns des secrets de la préparation réalisée en amont, parlant de scénarios, de chorégraphies, de travail sur la mémoire et la vitesse sans oublier la répétition des gestes. Avec lui, « pour gagner, pas de place au romantisme », l’efficacité doit être chirurgicale !
A l’initiative de Shalva Khetsuriani deux heures ont été consacrées à un exercice très particulier. En effet, dans sa volonté de reconnaissance de la qualité de la viticulture géorgienne, bien au-delà de son aspect historique, ce président des sommeliers de Géorgie, qui est aussi un vigneron, souhaitait graver dans le marbre un exercice autour du saperavi.
Celui-ci, cépage emblématique de la Géorgie qui en compte des dizaines dont certains ont franchi les millénaires, a fait l’objet d’une dégustation destinée à en identifier les caractéristiques.
Une opération jamais réalisée à ce jour. A l’aveugle, plus d’une vingtaine d’échantillons ont été servis aux délégués internationaux ainsi qu’à des professionnels du vin géorgiens. Et chacun a exprimé son ressenti, notamment les trois Meilleurs Sommeliers du Monde présents dans la salle : Giuseppe Vaccarini, Serge Dubs et Philippe Faure-Brac. « S’il a très peu subi l’influence de l’élevage en bois, ils est très marqué par les fruits noirs. Parmi les cépages rouges, c’est celui qui livre le plus bel éloge à l’acidité et aux tannins », soulignait Serge Dubs.
« Cette dégustation avait une approche pertinente. Pourtant, il est rare que l’on demande à des sommeliers de s’exprimer de façon collective sur un cépage. La démarche de la Géorgie dans ce cadre montre un double respect pour son cépage et pour notre profession », commentait de son côté Philippe Faure-Brac.
On peut avoir 8000 ans d’existence et ne pas se contenter de cette dimension historique. C’est exactement ce qu’a voulu démontrer Shalva Khetsuriani au cours de ce séjour.
Il a d’abord évoqué le savoir-faire patrimonial avec une visite au cœur de la Kakheti, au nord-est de Tbilissi. Une région très agricole où chaque famille produit son propre vin en perpétuant la tradition des qvevri, ces amphores en terres cuites totalement enterrées et dans lesquelles s’effectuent l’élevage du vin. Après la visite d’un petit musée expliquant cette technique, les délégués présents au Twins wine cellar ont pu apprécier l’ouverture exceptionnelle de l’une de ces amphores, ouverte par les frères Gia et Gela Gamtkitsulashvili, et goûter le vin blanc produit sur le domaine. Un moment privilégié.
Au retour à Tbilissi, une deuxième grande dégustation qui concluait le séjour géorgien. Un dernier temps fort qu’il a précédé d’un exposé très complet sur l’histoire, la diversité géologique et l’analyse des grandes zones de production, des bords de la mer noire jusqu’à la frontière avec l’Azerbaïdjan.
Puis, avec l’aide de quelques membres de son association et une large participation de vignerons, il a pu présenter la grande diversité de la production nationale. Un tour d’horizon allant des effervescents aux demi-doux et qui portait même un regard sur les eaux-de-vie.
Devenue une tradition, la remise des diplômes de certification ASI met à l’honneur différents pays. Et ce sont à chaque fois les présidents nationaux qui reçoivent le document officiel, la carte et le pin’s qui l’accompagnent. La conclusion d’un long travail mené d’abord par Giuseppe Vaccarini et son équipe puis par les responsables des concours de chaque pays en charge d’organiser, le même jour à travers le monde, le passage de cet examen. Annemarie Foidl, présidente de l’Association des Sommeliers d’Autriche, fut la première à recevoir le précieux diplôme à remettre ensuite aux différents lauréats.
En 2018, sur 75 candidats, 57 ont réussi l’examen et parmi eux 23 ont atteint le niveau or.
En 2019, la date de passage des épreuves de certification a été fixée au 4 mars.
Jean Bernard